Les vins des Coteaux du Lyonnais
Résumé
La vigne et le vin ont toujours fait partie de l’histoire des hommes ; comme l’histoire des hommes, l’histoire du vin est une part de notre patrimoine. L’Arbresle, qui est un carrefour à bien des points de vue, l’est aussi pour la vigne, placée qu’elle est à la jonction de deux Appellations d’Origine Contrôlée : le Beaujolais, et les Coteaux du Lyonnais. C’est à ce dernier que nous allons d’abord nous intéresser.
Les origines
La culture de la vigne dans la région lyonnaise remonte à la plus haute Antiquité. En effet, la première peuplade qui occupa les territoires du Lyonnais, au temps où la France s’appelait la Gaule, fut celle des Ségusiaves (600 à 700 avant notre ère). En 300 av. J.C. ils tombèrent sous la suzeraineté des Éduens. Ces derniers prirent parti pour les Romains contre les Allobroges qui furent défaits en 121 av. J.C. C’est cette lutte contre les Romains et les Allobroges qui, indirectement, permettra l’installation de la vigne dans la région. En 105 av. J.C. quelques pieds de vigne furent introduits par les légions romaines.
Les Burgondes firent ensuite leur apparition ; peuple doux et novateur, ils seront les véritables défricheurs des terres lyonnaises. Ils développèrent l’agriculture et notamment la viticulture. Le produit des ceps s’appelait alors le « liquide vermeil qui fait chanter ».
En 531, les Francs conquirent le territoire et un siècle plus tard fut fondée l’Abbaye de Savigny. Cette fondation aura pour la région un très grand intérêt et une influence dont la culture de la vigne profitera de façon importante.
À partir de 733, la culture de la vigne, qui est devenue traditionnelle, va s’améliorer sensiblement.
Le passage des Huns sera un véritable fléau : l’Abbaye de Savigny est saccagée mais reconstruite en 913 sous la direction de l’Abbé Gausmar ; celui-ci, en 951, fit un voyage en Terre Sainte et rapporta des plantes nouvelles et notamment des plants de vigne dont les raisins étaient beaucoup plus beaux que ceux introduits par les Romains. Les vitis vinifera améliorés sont dérivés de ces apports du 10ème siècle.
En 1497, on peut lire dans une
chronique de Benoit Maillard, cette
 définition poétique du vin lyonnais : « ce 
vin du lyonnais, frais, naturel, au parfum de
 fleurs des champs, né sur les côtoies de 
notre campagne lyonnaise, … »
Cela montre bien que si aujourd’hui, sur ces mêmes coteaux, aux mêmes endroits, on cultive toujours la vigne, c’est qu’en dehors de la tradition qui est certaine, il est reconnu que les vignes des coteaux du Lyonnais produisent un vin riche et valeureux.
De 1530 à 1850, l’usage était d’élever à Lyon, au cours des fêtes populaires, sur les places et les ponts, des « Fontaines à vins », libations offertes gratuitement par le Conseil des Echevins. Le vin était servi au « pot » d’une contenance de quatre verres, soit 46 cl.
La Révolution de 1789
Plan des masses de cultures en 1789 (©Archives Nationales) : on remarque, en rose, l’importance des vignes.Si elle a bouleversé les rapports entre les gens, elle a également contribué au développement de la vigne. Les bons vignerons devinrent des propriétaires aisés. L’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière permit l’augmentation de la consommation. Les bourgeois et les commerçants firent honneur à cette production régionale qu’est le vin de gamay. De plus en plus, la polyculture régionale s’orientait vers une monoculture : la vigne. La prospérité régnait au sein des viticulteurs. Ce fut l’apogée.
Après la guerre de 1870, les premiers déboires surgirent et le mouvement d’extension cessa. Les surfaces consacrées à la vigne diminuèrent et les agriculteurs se tournèrent vers une production plus diversifiée : arbres fruitiers, élevage. Les années de gelées et autres calamités ne furent pas étrangères à ce retournement. Cependant, on note encore une progression dans certains cantons comme celui de Mornant ou de St Genis-Laval.
Le rôle du phylloxéra
La crise phylloxérique a largement contribué à la diminution des vignobles. Le Phylloxéra Vastatrix est signalé pour la première fois dans le Rhône au printemps 1873. Remontant rapidement la vallée du Rhône, il pénètre dans tout le département. Des mesures draconiennes sont prises pour enrayer l’avance de ce fléau. Il faut arracher et brûler les ceps atteints par la maladie. Toute la littérature faite à ce sujet ne touche guère le vigneron qui observe, attend, espère… Jusqu’à l’automne 1875 il attribue la mort de ses ceps à des maux déjà connus comme le ver blanc ou la pourriture du « gribouri ».
Incertitude, négligence, routine, fatalisme, tout ce contexte favorise l’essor du fléau. En 1879, 8% du vignoble sont irrémédiablement atteints ; en 1880 : 22 %, en 1883 : 51 % et en 1886, au paroxysme de l’invasion, 62 % des vignes du Rhône sont phylloxérées. Pourtant, dès l’apparition du fléau, la lutte avait été menée, certes dans la confusion et la maladresse mais bien que soutenue par des comités départementaux, par l’Etat et par de multiples conférences et expériences ; les résultats furent décevants. Le découragement gagne les petits producteurs qui arrachent leurs vignes et tentent de faire autre chose: céréales, cultures fourragères ou arbres fruitiers.
La reconstitution du vignoble
La loi du 2 août 1879 interdisant les transports de plants dans les communes touchées ne sera que théorique. La reconstitution du vignoble se fera tout de même dès cette date par quelques grands propriétaires en introduisant des plants américains (Othello, Senasque, Noah, Clinton, Cynthiana, Jacquez).
Dans la partie méridionale du département (cantons de Givors et de Mornant), les cépages américains comme le Noah ou l’Othello ont été utilisés comme producteurs directs. Par le greffage du gamay sur les boutures américaines s’est reconstitué le vignoble lyonnais et beaujolais.
Vers 1900, on peut considérer que la crise phylloxérique est terminée mais la géographie départementale de la vigne a été bouleversée. On assiste à un glissement vers le Nord de la vigne qui perd sa place primordiale dans la polyculture du plateau lyonnais.
La mévente
Apparaît alors une nouvelle crise communément appelée crise de la mévente. Ses causes sont à rechercher dans les parades et les remèdes à la crise phylloxérique elle-même.
Pour compenser le déficit de la production, un plus large appel est fait aux vins étrangers. Les importations doublent de volume entre 1883 et 1887. L’Espagne en fournit les 2/3 devant l’Italie. À partir de 1888 c’est l’Algérie dont le vignoble, reconstitué par des vignerons languedociens, a quintuplé sa surface en 10 ans.
En 1913, le président de la République, Raymond Poincaré, déguste les vins du Lyonnais.
Et puis ce sont la Grèce et la Turquie qui envoient des raisins secs : 100 kg de raisins de Corinthe permettent de fabriquer 3 hl de vin à 10° !!!
La clientèle étrangère se détourne des produits français à cause des barrières douanières et des taxes très élevées. Seule la Suisse continue d’acheter la production du vignoble lyonnais.
La production du vignoble lyonnais et beaujolais est condamnée à s’écouler sur un marché réduit aux seules dimensions de la région où elle rencontre encore la concurrence des vins méridionaux. C’est un avertissement qui va retentir gravement sur le mouvement des prix et va inciter certains à se reconvertir dans la polyculture ; l’arbre fruitier prend tout naturellement la place dans les parcelles d’où la vigne disparaît. En 1914, un quart de la superficie est occupé par des vergers.
L’évolution
L’impact de la première guerre mondiale se marque par un recul considérable. Le départ des hommes a laissé les vignes en friches pendant 5 ans et en 1919, la main-d’œuvre n’est plus assez nombreuse pour entreprendre l’énorme travail de remise en état des parcelles abandonnées. Le déclin se poursuit jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Les personnalités réunies à l’occasion du Marché aux vins de Millery 1952
Après la guerre, la culture de la vigne, qui avait procuré tant de revenus à la région, devient difficilement rentable. Un nouvel essor des cultures fruitières porte les superficies de 5200 ha en 1945 à 7000 en 1959 ; la production a doublé en dix ans.
La Cave Coopérative
En 1956 se crée la cave coopérative de Sain Bel. C’est une véritable providence pour les petits producteurs qui n’ont pas le matériel nécessaire et la capacité de stockage propices à une bonne vinification. Cela va permettre la remise en culture de parcelles abandonnées pendant la guerre et délaissées depuis.
Les Coteaux
Le vignoble des Coteaux du Lyonnais, en nette régression de 1955 à 1970, connaît depuis ces dernières années une stabilisation, voire une légère augmentation de la superficie des vignes de qualité (gamay noir à jus blanc). Petit à petit le vignoble se transforme, les hybrides laissant la place au gamay.
On peut situer deux zones où la tradition viticole est encore bien implantée :
– au Nord-Ouest, la région de l’ArbresIe composée des communes de L’ArbresIe, Fleurieux, Eveux, Saint-Pierre-la-Palud, Savigny et Bibost
– au sud, les villages de Millery, Montagny, Taluyers et Saint-Laurent-d’Agny.
La législation
Depuis 1952, les vins des Coteaux du Lyonnais sont classés en appellation V.D.Q.S.
La Fédération des vins des Coteaux du Lyonnais, sous la présidence de M. Paul CAILLAT, est chargée par les viticulteurs de faire connaître les vins de la région et de défendre les intérêts auprès des instances nationales.
La Fédération organise chaque année un marché aux vins à Millery et prime les meilleures cuvées tout en favorisant la vente directe producteur-consommateur.
Après douze années de démarches, le décret du 9 mai 1984 accorde enfin aux vins des Coteaux du Lyonnais l’appellation d’origine contrôlée A.O.C. et en définit les conditions d’application (communes, cépages, âge, titre, rendements)
Situation géographique
Les Coteaux du Lyonnais sont situés sur la bordure orientale du Massif Central. L’aire viticole s’étend sur le seul département du Rhône et s’inscrit dans une zone délimitée par :
– à l’Est, le Rhône et la Saône
– à l’Ouest, les Monts du Lyonnais
– au sud, la vallée du Giers et le vignoble des Côtes du Rhône
– au Nord, les vallées de l’Azergues, de la Brévenne, de la Turdine et le vignoble Beaujolais.
Les Coteaux du Lyonnais constituent donc un trait d’union entre la Bourgogne et les Côtes du Rhône. Comme eux, ils bénéficient d’une situation privilégiée résultant de la présence du Massif Central qui arrête les pluies océaniques, de l’influence sub-méditerranéenne qui remonte la vallée du Rhône et de l’orientation générale des coteaux vers l’Est.
L’altitude est un facteur limitant qui peut varier en fonction de la situation géographique mais ne peut dépasser 550 mètres, altitude maximale au-delà de laquelle une production de qualité ne peut être atteinte qu’exceptionnellement.
Climat
La région lyonnaise est un carrefour climatique : continental aux températures extrêmes, océanique humide et méditerranéen sec et chaud.
Le climat des Coteaux du Lyonnais bénéficie plutôt de l’influence méditerranéenne. Il est donc favorable à la culture de la vigne.
Les facteurs climatiques (pluviométrie, température, brouillard, vent) ont des amplitudes faibles et sont peu handicapants pour la croissance de la vigne.
Géologie
Les cartes géologiques de la zone des Coteaux du Lyonnais révèlent d’emblée la variété des terrains : roches éruptives (granité), métamorphiques (gneiss, grès, schistes, quartz) sédimen-taires (schistes, grès, calcaires, argiles) ou de formations superficielles (lœss, limons, alluvions).
Une importante extension des roches éruptives et métamorphiques permet de comprendre la prédominance des terres siliceuses, généralement caillouteuses, à texture sablo-argileuse peu profondes et perméables. Ces sols sont de bonnes terres pour la vigne.
Encépagement
Le cépage de base du vignoble lyonnais est le gamay noir à jus blanc.
La sirah n’existe pratiquement plus. Déjà en 1952, dans le cadre des V.D.Q.S., les instances de l’INAO l’avaient écartée, le climat ne lui convenant pas.
Le gamay à jus rouge donne des vins grossiers. Il est en voie de disparition, interdit pour l’A.O.C des Coteaux du Lyonnais.
Pour les vins blancs, le chardonnay et l’aligoté sont utilisés et s’assemblent très bien. Ils donnent des vins souples et aromatiques.
Au Concours Général à Paris en 1953. On remarque à droite au second plan, le stand du Beaujolais.
Vinification
Pour les vins rouges, la méthode utilisée, dite « beaujolaise », se fait par semi-macération carbonique, avec des raisins sains et entiers et à basse température. La vinification est de courte durée (5 à 6 jours). Cette méthode apporte des arômes spécifiques au vin qui résultent non pas de la fermentation levurienne mais de la fermentation intracellulaire réalisée par les cellules mêmes de la baie du raisin. Les arômes ainsi élaborés sont très différents de ceux qui sont produits par les levures.
Pour les vins rosés, la vinification se fait par saignée (arrêt de fermentation). Pour les vins blancs, elle est traditionnelle.
Surfaces et rendements
L’aire d’appellation des vins des Coteaux du Lyonnais est relativement modeste. C’est ce qui explique en partie sa bonne tenue sur le marché, comparativement aux difficultés du Beaujolais ces dernières années.
De 1990 à 1999, la production est passée de 13931 hectolitres à 22332 hectolitres. Cette forte et constante progression démontre la bonne santé de cette production, qui couvrait en 1999, 346 hectares.
Caractéristiques
– Vins rouges : robe rouge clair avec des reflets violacés, limpides et transparents ; au plan olfactif, ils sont aromatiques, agréables et fins avec un caractère floral et fruité ; en bouche, ils sont équilibrés, frais, gouleyants, légers et fondus. Ils arrivent à maturité très vite, avec des odeurs de mûre, d’épices et de tabac.
– Vins blancs : légers, robe jaune clair, limpide en bouche, ils sont frais, fondus, équilibrés mais courts.
Robert Roth