La sécularisation de l’Abbaye de Savigny (1784)
Résumé
Si l’on connaît assez bien ce que fut la vie de l’abbaye de Savigny, et ce que doit l’Arbresle à cette institution, puisque la ville (la forteresse) était le siège du gouvernement de cette seigneurie un peu particulière. Voici comment cela se termina en 1780, peu de temps avant la Révolution française
Le temps de la prospérité
Fondée au VII siècle, ou au siècle suivant, au plus tard, l’abbaye de Savigny était déjà florissante sous le règne de Charlemagne. Après avoir été dévastée par les Hongres, en 939, elle parvint bientôt à un degré de puissance et de richesse, qui ne fit que s’accroître, pendant tous le cours du Moyen Age. Un grand nombre d’églises de nos campagnes lui doivent leur fondation, et demeurèrent sous son patronage jusqu’à la Révolution. Enrichie surtout par les nombreuses donations, déterminées par la terreur inspirée par l’approche de l’an mil cette abbaye fonda aussi de nombreux prieurés dont les principaux étaient ceux d’Ancy, d’Arnas, de Courzieu, de Marcy-sur-Anse, de Montrottier, de Mornant, de Noailly, de Randans, de Tarare, de Ternand, de Saint Clément-sur-Valsonne, de Saint Nizier-d’Azergues et de Salt-en-Donzy. Le prieuré de Talloires, sur les bords du lac d’Annecy, dépendait aussi de Savigny.
Puis la décadence
Mais la décadence de l’abbaye commença, au XVIe siècle, quand elle fut soumise à des abbés commendataires non tenus à résidence. Elle fut consommée par l’application constante de la règle qui exigeait, pour l’admission des religieux, la preuve de quatre quartiers de noblesse, tant du côté paternel que du côté maternel. En effet, pendant les deux derniers siècles, les cadets des familles nobles préférèrent la gloire militaire à la vie du cloître, et la nouvelle noblesse d’échevinage ne pouvait justifier toujours de preuves nobiliaires suffisantes.
En 1760, Savigny ne compte plus ainsi que quinze religieux. Vingt ans plus tard, ce nombre est réduit à onze, quand l’abbé commendataire, François de Clugny, évêque de Riez, qui ne vint jamais dans son abbaye, autorisé par des lettres patentes du 18 juillet 1779, consentit avec les prieurés de l’Argentière, d’Alix et de Leigneu, des traités qui attribuaient à ces trois monastères tous les biens de Savigny, après sa suppression
Ces traités faits, les moines demandèrent eux-mêmes au Pape, la sécularisation de l’abbaye, en se fondant sur ce que la régularité de la vie commune était devenue impossible par suite du petit nombre des religieux, leur âge ou leur faible santé. La faveur demandée ne se fit guère attendre.
Par une bulle du 9 des calendes de juillet 1780 (23 juin 1780), le pape Pie VI, considérant que « la sécularisation des monastères est une mesure utile, quand ils ne peuvent plus être administrés, suivant les règles de l’ordre, par suite du manque des religieux, leur âge ou leurs infirmités, releva les moines de tous leurs voeux, à l’exception de celui de chasteté, et leur permit de se retirer où bon leur semblerait, en leur assurant toutefois les revenus de leur office et les pensions que devait leur assurer l’archevêque de Lyon. Les religieux demeuraient seulement chargés de la disposition de l’église abbatiale et des autres édifices.
Mais tous les biens de l’abbaye étaient attribués par tiers aux trois chapitres de chanoinesses nobles de l’Argentière, d’Alix et de Leigneu.
Les traités, après la bulle du pape
On ne ferme pas une abbaye qui a dominé toute une région sans actes précis stipulant le détail de cette fermeture. Nous nous bornerons à reprendre et publier le texte du décret archiépiscopal et des lettres patentes qui vinrent, quelques années après, assurer l’exécution de la bulle pontificale, en précédant de bien peu de temps l’oeuvre de la Révolution.
Décret de Monseigneur de Montazet, archevêque de Lyon,
prononçant la sécularisation de l’abbaye de Savigny
(I" octobre 1784.)
Antoine Malvin de Montazet, archevêque et comte de Lyon, primat de France, commissaire du Saint Siège apostolique en cette partie, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut : Savoir faisons que, vu la Bulle de Notre Saint Père le Pape Pie VI, obtenue à la requête et pour la sécularisation des Grand Prieur et Religieux profès du monastère éteint et supprimé de Saint Martin de Savigny, ancien ordre de Saint-Benoît, de notre diocèse, savoir de messires Joseph de Barthelats, prêtre, grand prieur, Nicolas-Marie de Prisque de la Tour Servil, sous diacre, prieur claustral, Jean Ponthus de Thy, sous diacre, aumônier, Henry de Maritain d’Availly, diacre, communier, Philibert-Joseph de Foudras, prêtre, doyen de Lanay, Charles de Bard, sous diacre, chantre, et Antoine Louis François de Royer de Saint Micaud, simple clerc, infirmier, donnée à Rome, en date du neuf des calendes de juillet mil sept cent quatre vingt, dûment scellée, contrôlée, vérifiée et à nous adressée avec commission pour procéder par nous-mêmes ou par un Commissaire délégué, selon les règles canoniques à ladite sécularisation, fulminer ladite Bulle et en ordonner l’exécution sous les clauses et conditions et pour les causes y contenues ; en conséquence, séculariser les personnes desdits Grand Prieur et Religieux, les dispenser de leurs voeux de religion, à l’exception de celui de chasteté ; leur permettre de porter l’habit des ecclésiastiques séculiers et de demeurer où ils jugeront à propos sous l’obéissance et la juridiction des ordinaires, les déclarer capables, à l’instar desdits ecclésiastiques séculiers, d’obtenir et posséder canoniquement toutes sortes de bénéfices, les séculiers en titre, les réguliers en commende, de rester en possession de ceux qu’ils possèdent, sans avoir besoin de nouvelles provisions, de posséder des pensions sur toutes sortes de bénéfices, de jouir des dons et legs, qui pourront leur être faits par testament, donation ou autrement, d’en disposer par voies semblables, ainsi que de tous autres biens qui leur appartiendront en propriété après leur sécularisation, sous la clause expresse qu’ils ne pourront ni succéder, ni hériter, ni rien prendre et prétendre à titre de légitime, héritage, succession ab intestat ou autrement, dans les biens et droits qui, à cause de l’émission de leurs vœux ont pu ou pourront échoir à leurs parents, alliés ou autres. La Requête à nous présentée par lesdits Grand Prieur et Religieux, à ce qu’il nous plut accepter ladite commission apostolique, procéder en conséquence à la fulmination de ladite Bulle de sécularisation de leurs personnes et en ordonner l’exécution.
Notre appointement en marge de ladite Requête du quatorze octobre mil sept cent quatre-vingt, de soit-communiqué avec les pièces jointes à notre Promoteur du dix-sept du même mois. Notre ordonnance du vingt du même mois portant acceptation de ladite commission et qu’il seroit sursis à la fulmination de ladite Bulle de sécularisation, jusqu’à ce qu’il eut été statué définitivement sur la procédure commencée pour l’extinction et suppression des titres d’abbaye et monastère dudit Savigny, en exécution d’une autre Bulle de Notre Saint Père le Pape Pie VI du dix des calendes de juillet de la même année. Le Décret par nous rendu le huit décembre mil sept cent quatre vingt un de l’extinction et suppression des titres d’Abbaye, Monastères, Places monacales, Mense abbatiale, Mense conventuelle et Offices claustraux dudit Savigny, de l’union de leurs droits, biens et revenus à partager par tiers, aux trois Chapitres nobles des Abbesses et Chanoinesses Comtesses de Sainte Marie de Leigneux, de Saint Denis d’Alix, et de Notre-Dame de Coise en l’Argentière de notre diocèse. Les Lettres patentes données sur notre Décret du mois de juillet mil sept cent quatre vingt deux. L’arrêt d’enregistrement de notre dit Décret et desdites Lettres patentes du six juillet de la présente année mil sept cent quatre vingt quatre. La Requête à nous présentée par lesdits Grand Prieur et Religieux de Savigny, tendante à ce que vu toutes les pièces ci-dessus visées et datées et notamment ladite Bulle de sécularisation de leurs personnes, du neuf des calendes de juillet mil sept cent quatre-vingt, il nous plût, pour les causes et moyens y contenus et en vertu de ladite commission apostolique par nous acceptée, procéder par nous-même ou par un Commissaire délégué, à la fulmination de ladite Bulle de sécularisation et en ordonner l’exécution selon sa forme et teneur ; ladite Requête portant pouvoir spécial d’agir en leurs noms aux fins d’icelle à M. Lecourt, procureur aux cours de Lyon, signée Barthelats, grand prieur, tant pour lui que pour Jean Ponthus de Thy, aumônier dudit monastère, suivant sa procuration du quatre août dernier, reçue Belime et Etienne, notaires au Châtelet de Paris ; signée décret exclusivement. La Requête présentée audit Commissaire délégué, pour et au nom desdits Grand Prieur et Religieux de Savigny, signée Lecourt, procureur aux cours de Lyon, leur fondé de procuration et tendante à ce que les pièces jointes ci-dessus visées, il lui plût accepter ladite délégation de procéder en conséquence. L’ordonnance dudit Commissaire délégué du vingt du même mois, portant acceptation de ladite délégation, indication des lieu, jour et heure, choisis pour ladite information, ensemble commission pour assigner à la requête du promoteur, tant les témoins à entendre que lesdits Grand Prieur et Religieux pour les voir produire, jurer et reprocher. Les assignations données à la requête des promoteurs, aux fins de l’ordonnance dudit commissaire délégué, tant aux dits témoins qu’aux dits Grand Prieur et Religieux, par exploit de l’huissier Ducret, du vingt et un du même mois. Le procès-verbal dressé par ledit Commissaire délégué, de la prestation de serment desdits témoins, en date du vingt-trois du même mois, dans le prétoire de l’Officialité de Lyon, sur les réquisitions et en présence dudit Promoteur, après défaut donné et le profit d’icelui octroyé contre lesdits Grand Prieur et Religieux non comparants. L’information faite le même jour audit prétoire par ledit Commissaire de la commodité ou incommodité de la sécularisation desdits Grand Prieur et Religieux, contenant les dépositions de six témoins mis
Séparément, après lecture à eux faite de ladite Bulle de sécularisation et de toutes les pièces ci-dessus datées; de laquelle information, il résulte qu’attendu l’extinction et suppression du monastère et conventualité de Savigny, l’âge avancé, les infirmités et le petit nombre desdits Grand Prieur et Religieux qui ne sont plus que sept, il y a lieu de les séculariser conformément à ladite Bulle. L’ordonnance dudit Commissaire du vingt-quatre du même mois, portant que ladite information avec toutes les pièces ci-dessus visées et datées soient montrées au promoteur. Les conclusions définitives de notre dit Promoteur du vingt-neuf du même mois.
Tout vu et considéré et le saint nom de Dieu invoqué, en vertu des pouvoirs à nous donnés par la dite Bulle de Notre Saint Père le Pape Pie VI, expédiée à Rome, le neuf des calendes de juillet mil huit cent quatre vingt, à nous adressée et à la charge qu’il sera obtenu sur notre présent Décret toute autorisation et confirmation nécessaire de Sa Majesté, nous avons, en ce qui concerne l’autorité ecclésiastique, pour la fulmination et exécution de ladite Bulle, et pour les causes canoniques susdites, sécularisé et sécularisons chacun desdits Grand Prieur et Religieux profès dudit monastère éteint et supprimé de Saint Martin de Savigny, ancien ordre de Saint Benoît, de notre diocèse, savoir messires Joseph de Barthelats, prêtre, grand prieur, Nicolas Marie de Prisque de la Tour Servil, sous diacre, prieur claustral, Jean Ponthus de Thy, sous diacre, aumônier, Henri de Maritain d’Availly, diacre, communier, Philibert-Joseph de Foudras, prêtre, doyen de Lanay, Charles de Bard, sous diacre, chantre, et Antoine Louis François de Royer de Saint Micaud, simple clerc, infirmier. Et en conséquence, conformément à la dite Bulle, nous les avons dispensés et dispensons chacun d’eux en particulier de leurs voeux de religion, à l’exception de celui de chasteté, leur permettons de porter l’habit des ecclésiastiques séculiers et de demeurer où ils jugeront à propos sous l’obéissance et la juridiction des ordinaires, selon les saints canons, les déclarons capables, à l’instar des ecclésiastiques séculiers, d’obtenir à posséder canoniquement toutes sortes de bénéfices, les séculiers en titre,les réguliers en commende, de rester en possession de ceux qu’ils possèdent sans avoir besoin de nouvelles provisions, de posséder des pensions sur toutes sortes de bénéfices, de jouir des dons et des legs qui pourront leur être faits par testament, donation ou autrement, d’en disposer par voies semblables,ainsi que de tous autres biens qui leur appartiendront en propriété après leur sécularisation, dûment autorisée et confirmée par Sa Majesté, sur la clause expresse néanmoins, qu’ils ne pourront ni succéder, ni hériter, ni rien prendre et prétendre à titre de légitime, héritage, succession ai intestat ou autrement dans les biens et droits, qui, à cause de l’émission de leurs voeux, auront pu échoir à leurs parents, alliés ou autres.
Donné à Lyon, le premier octobre mil sept cent quatre vingt quatre,
sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre seing de notre secrétaire.
Antoine, archevêque de Lyon.
Par Monseigneur,
Derue, secre.
Lettres patentes autorisant la sécularisation de l’abbaye de Savigny
Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Nos amis : Joseph de Barthelats, Nicolas Marie de Prisque de la Tour Servil, Jean Pomhus de Thy, Henri de Maritain d’Availly, Philibert Joseph de Foudras, Charles de Bard et Antoine Louis François de Royer de Saint Micaud, tous religieux profès, composant la conventualité du monastère et abbaye de Savigny, ancien ordre de Saint Benoît, diocèse de Lyon, nous ont très humblement fait représenter que dans la disposition où nous nous sommes trouvés, de permettre l’extinction et la suppression des abbaye et monastère, avec union des biens en faveur des Chapitres nobles de Leigneux, d’Alix et de Coise en l’Argentière, ils se seroient en conséquence de notre permission, pourvus en Cour de Rome, à l’effet d’obtenir la sécularisation de leurs personnes, ce qui leur auroit été octroyé par une Bulle du Pape, en date du neuf des calendes de juillet
Faire registrer, et du contenu en icelles jouir et user les exposans, ensemble les parties intéressées, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements, et nonobstant toutes choses à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel. Donné à Versailles, au mois d’octobre, l’an de grâce mil sept cent quatre vingt quatre, et de notre règne le onzième.
Louis
Bibliographie : Revue du Lyonnais » série 5 – n°6 ( 1888 ) » pp.198 Sécularisation de l’abbaye de Savigny pp. 198 – 207 © Bibliothèque municipale de Lyon