Histoire de la rue Gabriel Péri
Résumé
Comme chacun le sait, l’Arbresle est installée au confluent de deux rivières, la Turdine se jetant dans la Brevenne.
Dans les fonds de vallées, au fil du temps, l’homme a naturellement créé des itinéraires plus ou moins proches des cours d’eau pour se déplacer d’un village à l’autre. Ainsi, l’Arbresle est traversée par la Nationale 7, qui longe la Turdine, venant de Paris pour rejoindre Lyon. Venant de Sain Bel, la Nationale 89, sous l’ancien régime était appelée le chemin de grande communication n° 3 bis "d’Anse à Montbrison", qui devint plus tard "d’Anse à Saint Etienne" et connu aujourd’hui sous le nom de RD 389 avec la départementalisation. Cette route, sur la commune de l’Arbresle, longe la Brevenne et vient se raccorder à la RN7 au centre de l’Arbresle, au niveau de la place Carnot. La rue Gabriel Péri par conséquent était le dernier tronçon de la nationale 89 qui reliait Bordeaux à Lyon ou plus exactement reliait Bordeaux à L’Arbresle.
La rue G. Péri vers 1970 : à gauche, le parc du Clos Landar, au premier plan, à droite, les blocs Pizay
Afin de mieux comprendre cette transformation au fil des siècles, prenons en exemple et détaillons un tronçon du raccordement précité, en l’occurrence la rue Gabriel Péri. Elle prend naissance place Carnot et se termine à la hauteur de la rue P. Passemard, pour devenir route de Sain Bel.
En consultant les archives municipales, on se rend compte qu’au XVIIIème siècle, c’était le chemin, dit "chemin N° 3", qui reliait Saint-Symphorien-sur-Coise à Anse. Au début du XIXème siècle, décision est prise, confirmée le 4 juillet 1819 par le Conseil Municipal, d’étudier la rectification du tracé existant. La rue ne partait pas de la place Carnot mais empruntait l’actuelle rue Charvet (anciennement rue J.J. Sinclair), contournait l’emplacement de la mairie pour redescendre ensuite par la rue du Four à Chaux et rejoindre le tracé que l’on connaît aujourd’hui. Le 18 mars 1820, le programme d’expropriation est lancé, facilité par le fait qu’il y a surtout du terrain agricole ; on peut supposer que les premières constructions en bordure du nouveau tracé ont dû être édifiées vers 1835-1840. La décision d’appeler cette nouvelle voie "route de Bordeaux" date du 14 février 1848.
En se référant aux recensements successifs déposés aux Archives Départementales du Rhône, on se rend compte (voir le tableau ci-dessous) que les constructions, peu nombreuses avant 1870, ont vu leur nombre croître entre 1890 et 1910 pour stagner par la suite jusqu’aux années 1950 où apparaissent les deux premiers immeubles construits vers le N° 51, en retrait de la route, appelés communément Blocs Pizay, du nom de l’ancien propriétaire des lieux. Louis Pizay, marchand de bois dont le grand-père maternel, Georges Chouzy, était déjà installé là en 1872 comme … marchand de bois.
Année de recensement |
Nombre de maisons habitées |
Nombre d’habitants |
Dont enfants de moins de 14 ans |
Nombre de foyers |
1872 34 341 68 118
1896 52 466 88 173
1911 67 447 90 175
1921 58 427 81 165
1936 70 419 81 170
Durant toutes ces années, 25 à 30 % de la population travaille dans le tissage, activité principale à l’Arbresle.
Sur le recensement de 1872 figurent deux futurs "grands hommes" arbreslois :
– Claude Terrasse, 5 ans, habite avec sa famille au n° 9, en face du parc ; il sera musicien et compositeur d’opérettes (1).
– Antoine Pagneux, 10 ans, habite avec sa famille au n° 43, la grande bâtisse avec parc qui date des années 1850, au delà du pont ferroviaire. Il sera peintre après être parti vivre en Argentine (2).
En 1872, il y a à peine une dizaine de commerces : au n° 1, Jean-Marc Collonge est papetier – sa voisine, Marguerite Egly est liquoriste – au n° 5, Eugène Poncet est perruquier – Claudia Dessainjean est épicière au n° 11, Claude Solvery est boulanger au n° 22, Jean Gironnet épicier au n° 24, Jean-Baptiste Poyet sabotier au n° 29 et Jean-Pierre Ferrière épicier également au n° 29. C’est tout et il n’y a aucun débit de boissons.
En 1896, certains établissements ont disparu mais de nouveaux, plus nombreux, apparaissent, dont des professions libérales, soit une vingtaine au total. Joannès Mure s’est installé comme menuisier, marchand de meubles au n° 3 – au n° 5, il y a Jean-Pierre Mazoyer, galocher, ainsi que Nestor Huot, coiffeur et Marie, son épouse, mercière – Etienne Meyssonnier est marchand de confection au n° 7 – un boucher, Philippe Allegatière, est au n° 9 ainsi que Pierre Vagneux, plâtrier-peintre – le docteur Michel, dont une rue portera plus tard son nom, a son cabinet au n° 15 – Claude Cozona, notaire, a son étude au n° 16 – au n° 17, un café est tenu par Jeanne Guillard à côté du serrurier Briolet – un deuxième notaire, Claude Charrassin, est au n° 19 – au n° 21, Baptiste Ponthus est menuisier – Joseph Teillon boulanger au n° 22 – un autre café est tenu par Jacques Laurent au n° 24 qui a pris la suite de l’épicier Jean Gironnet – au n° 28, Lazare Patru est plâtrier – Louise Bellot est épicière au n° 40 – au 51, on trouve Claude Pizay, marchand de bois – Antoinette Favre est épicière au n° 57 ainsi que son mari, Claude, qui est perruquier et au n° 65, Marguerite Dumontet est marchande de fromages.
Depuis 1894, au n° 101, l’usine de Tissage Mécanique de Cotonnades et qui deviendra plus tard une usine de Velours est en exploitation dans des locaux flambant neufs avec parements de façade en pierre de Glay. Elle emploie environ 150 à 180 ouvriers et ouvrières selon les périodes, certains habitant Sain Bel et au-delà (3). À la même époque une douzaine de maisons avec jardin à l’arrière, maisons à un étage, mitoyennes et identiques, a vu le jour entre les numéros 67 et 89 et prendra pendant un temps le surnom de quartier des Casernes.
En 1911, le nombre d’établissements est stable ; on constate cependant certains changements. Ainsi, au n° 1 s’est installé un pâtissier, Charles Durel, au n° 5, André Jacquemot, menuisier, a succédé à Joannès Mure qui était au n° 3 et Nestor Huot est toujours là ; ils ont comme voisine Augustine Amblard-Bois, accoucheuse. Au n° 9 Pierre Dessaigne, boucher, a remplacé Philippe Allegatière et Pierre Vagneux reste plâtrier-peintre. Un nouveau-venu au n° 13 : le bureau de Poste qui était au paravent rue Bourchanin, devenue rue colonel Prévost, près de la voûte détruite en 1889. Paul Werner en est le receveur, Angèle Coquard et Marie-Antoinette Arquillière les deux employées.
La Poste vers 1905 : le départ des facteurs. À droite, l’étude de Maître Cozona
Le docteur Michel est toujours au n° 15 et Maître Cozona au 16. Au n° 17, Jean-Marie Delorme, cafetier, a succédé à Jeanne Guillard. Deux nouveaux venus au n° 21 : un photographe, Benoit Delorme (qui a édité de nombreuses cartes postales de l’Arbresle, témoins de cette époque, convoitées par nos collectionneurs) et un tonnelier, Jean Ronzon. Au n° 22, Georges Poncet, boulanger, a remplacé Joseph Teillon. Au 24 et 28, Jacques Laurent, restaurateur et Lazare Patru, plâtrier, exercent toujours. Au deuxième étage du n° 24, habite Pierre Gironnet, jardinier (fils de Jean l’ancien épicier du rez-de-chaussée). C’est un passionné d’horticulture et de floriculture. Il participe à plusieurs concours de Comices Agricoles régionaux et gagne de nombreux prix et médailles en 1879, 1883 et entre 1901 et 1910 ; son jardin devait se situer dans le quartier des Vernays. Un nouveau docteur s’installe au n° 27, André Dusserre, dont une rue portera également son nom. Au n° 40, François Garellon a repris l’épicerie de Louise Bellot.
Au n° 51, Louis Pizay, marchand de bois, a succédé à son père, Claude, mais il a un concurrent, Jean-Baptiste Picard qui s’est installé tout près. Antoinette Favre, épicière et Claude, son époux, coiffeur, sont toujours au n° 57. Au n° 61, nous trouvons maintenant un horloger, Jean-Benoit Colomb. Juliette Chabanne, débitante cafetière, s’est installée à l’angle du n° 91 et de la rue Barthélémy Thimonnier. En face de la rue Pierre Passemard actuelle, au n°106, Marie Pré tient un café avec jeux de boules ombragés par des platanes encore visibles, sur la droite en direction de Sain Bel. Dans le prolongement de l’usine Roche, au 101, un autre atelier de tissage s’est monté et occupe une vingtaine d’ouvriers et aurait été construit, au début du siècle, par un nommé Arand, prédécesseur de Tottier.
Vers 1912, à la sortie de la ville, sur la gauche après ces deux établissements, s’installe Benoit Ferrière comme jardinier horticulteur. Un siècle plus tard, la cinquième génération poursuit l’aventure.
En 1921, nous constatons encore des changements concernant les commerces. Au n° 1, à côté de la pâtisserie Durel, s’installe un café tenu par François Vevollet. Au n° 5, Jean-Claude Forest, coiffeur, a remplacé Nestor Huot. Au n° 7 s’est montée une librairie tenue par Claudine Besacier. Quant à la boucherie du n° 9, elle a disparu. Au n° 11 arrive un chapelier, Paul Daures. Le bureau de Poste est toujours au n° 13 et Elie Delas en est le nouveau receveur.
Le notaire Cozona est toujours au n° 16. Le Café de Paris au n° 17, de Jean-Marie Delorme, a un voisin : Henri Pacaud, serrurier, qui a ouvert un atelier à l’enseigne du "Garage de la Poste". Plus tard, après la guerre, s’installera Armand Guilloud comme plombier-zingueur. Au n° 21, Marie Alloin, marchande de tissus, s’installe près du photographe Benoit Delorme lequel déménagera en 1932 rue Centrale au n° 21 ; Pierre son fils puis André son petit-fils lui succèderont tour à tour jusqu’en mars 1988. L’espace, barré d’une palissade entre le n° 21 et 23 a été comblé vers 1910 par la construction d’une nouvelle maison mitoyenne, n° 21 bis, où s’installeront bien plus tard Emile Huon et sa famille. Au n° 22, la boulangerie a fermé ses portes depuis que son patron, Georges Poncet, mobilisé en 1914, a été tué sur le front en 1915. Au n° 23, une laiterie est créée par Marie Botton, transformée plus tard en café épicerie. Le docteur Dusserre et Lazare Patru, le plâtrier, sont toujours là. Claudine Nové, épicière-café-comptoir, a remplacé François Garellon au n° 40. Louis Pizay, marchand de bois au n° 51, n’a plus de concurrent ; par contre, un tonnelier, Antoine Porte, s’est installé. Au n° 57, François et Louise Favre, coiffeur et épicière, succèdent à Claude et Antoinette Favre, leurs parents. Robert Duret, horloger, a remplacé Jean-Benoit Colomb au n° 61. Claudius Vial et son fils Jean s’établissent comme jardiniers au n° 63. Marie Yvorel, cafetière au n° 91, a remplacé Juliette Chabanne.
Deux nouvelles usines de tissage sont en activité : l’usine Rambaud au n° 25 et l’usine Desigaux, dominant la rue, en face du n° 91.
Au premier plan, à gauche, l’usine Rambaud suivie de l’immeuble Chapoutier et au fond, le pont de la voie de chemin de fer de 1865
Au n° 95, une usine de teinture et apprêt est construite vers 1924 par Joseph Lachal et Edouard Lièvre, tous deux apprêteurs. Ils la revendront en 1926 à la famille Charlet dont les fils Petrus et Georges en assureront la direction jusqu’à sa fermeture en 1955. Vers 1950, ils avaient fait construire un immeuble d’habitation de deux niveaux au n° 97. Au 104 est installé un plâtrier-peintre du nom d’André Bianchina. Cette maison est une ancienne ferme de la fin du XIXème avec écurie, pigeonnier, vignes et champ à luzerne. Le cuvier est installé au 102.
Début 1923, la propriété privée appartenant à Claude Dervieux de Vienne, située au départ de la place Carnot, est achetée par la municipalité de l’époque afin d’y installer tous les services municipaux. La mairie quitte donc en 1925 la place de la Mairie (aujourd’hui place de la République) pour s’installer dans les bâtiments qui dominent le parc ; ce dernier devient donc parc municipal dans lequel est installé le Monument aux Morts dédié aux Arbreslois tués au cours de la Guerre de 14-18, monument inauguré le 23 août 1923. Sur les 91 morts, six d’entre eux habitaient route de Bordeaux : Charles Bertrand, Jean-Pierre Boachon, Alexandre Chirat, Jean Dugal, Pierre Gironnet fils, Charles Huot. Le mur de clôture qui longe la route de Bordeaux sera diminué de hauteur et surmonté d’une grille en 1924. La même année, la rue est enfin goudronnée à la satisfaction générale des riverains.
Parc privé avec son haut mur avant l’acquisition par la mairie en 1924
Avant-guerre et après celle-ci, pour la vogue de la St Jean, un manège de chevaux de bois était installé vers l’entrée du parc. Le vendredi matin, jour de marché, s’installèrent pendant quelques années, jusqu’à la fin des années soixante : le jardinier local Jean Vial et son épouse, devant cette entrée, un grainetier, un tripier et une marchande de chapeaux sur le trottoir en face des n° 5, 7 et 9. La place Sapéon ayant été créée et aménagée, tous furent priés d’aller sur celle-ci, d’autant plus qu’ils devenaient gênants pour la circulation. Il en fut de même pour Claude Marand qui siégeait le mardi matin avec son banc de poissonnier tout près de la pompe.
En 1936, nous voyons qu’il y a eu de nouveaux changements. Au n° 1, Lucien Clauzier, pâtissier, a pris la suite de Charles Durel et Jean Gaillet, cafetier, a repris le Café du Parc à la suite de François Vevollet. Au n° 5, il ne reste plus que le menuisier André Jacquemot. Au n° 7, un café-journaux tenu par Hyppolite Calendry a remplacé la librairie de Claudine Besacier. Le bureau de Poste du n° 13 a un nouveau receveur, Joseph Lalive. Pierre Passemard, notaire, qui sera maire de l’Arbresle de 1935 à 1944, a remplacé Claude Cozona au n° 16. Le Café de Paris et son billard, au n° 17, sera, vers 1945, tenu par Julien Aulas. Francine Alloin prend la suite de sa belle-mère et vend du tissu au n° 21. Benoit Perraud, imprimeur, s’est installé au n° 22 dans l’ancienne boulangerie. Au n° 24, le restaurateur Laurent est remplacé par Jean Roche, mécanicien marchand de vélos. Après la guerre, pendant le Tour de France, chaque soir, il inscrivait sur un tableau noir, les noms des premiers d’étape. Faute de poste de radio, nombreux étaient les adolescents et autres qui venaient commenter les résultats ! Après sa mort accidentelle en 1952, Jean Lardet prit sa suite en vendant de nombreuses motos Monet-Goyon, ceci jusqu’à la fin des années soixante-dix. Au n° 25, l’usine de tissage Rambaud cèdera bientôt ses locaux à Marcel Billon, garagiste auparavant à l’angle de la rue Michelet et de la route de Nuelles.
Au rez-de-chaussée de l’immeuble Chapoutier situé au 25 ter, Marcel Echard a monté une fabrique de "compresses grasses Onctua qui réalisent le pansement idéal des plaies et brûlures étendues". Elle fermera vers1960.
Au n° 28, Marcel Patru, plâtrier, a succédé à son père Lazare. Au n° 30, un atelier de réparation d’appareils téléphoniques est installé par les PTT où Marcel Silvestre assurera les travaux nécessaires. Au n° 31 vers 1940 et jusqu’aux années soixante était installée une infirmière. Marie Champion venait chez le patient, se déplaçant à bicyclette équipée de sa trousse, toujours disponible, efficace pour dispenser les soins nécessaires. Elle était très estimée.
Au n° 34, le Syndicat Agricole, installé sur trois niveaux, approvisionne les agriculteurs du canton en semences, engrais, outillages, etc… d’où des allées et venues quotidiennes d’équipages hippomobiles venant se ravitailler. Après la guerre, ils disparaîtront, victimes du progrès ce qui n’arrangera pas les riverains, jardiniers amateurs, qui récupéraient le crottin pour fertiliser leur terrain.
Vers 1960, le syndicat déménagera rue Emile Fournier. Au n° 40, Claude Chaine et son neveu René Dubut épiciers, ont remplacé Claudine Nové. En 1943, ils cèderont leur fond à Mme Duplant qui, comme tous les épiciers, recevait chaque matin sa livraison de lait frais amenée en bidons de 20 litres par les paysans des alentours. Presque en face de cette épicerie, entre le n° 33 et le remblai de la voie ferrée Lyon-Roanne, les Ponts et Chaussées construisent vers 1935 un hangar avec portail coulissant pour abriter le matériel, du simple "barrot" de cantonnier (charrette à deux roues avec deux brancards et une barre transversale permettant de la tracter) aux camions-bennes ainsi que les services administratifs. La voie ferrée passe sur le pont avant de s’engouffrer sous le tunnel voisin qui débouche le long du chemin des Brosses. Parfois, lors du passage des trains à vapeur, sous l’action du vent, une fumée noire, opaque et nauséabonde était refoulée au grand dam des riverains et des automobilistes de passage obligés de stopper en attendant qu’elle se dissipe. Les Ponts et Chaussées déménageront, leurs locaux devenant trop exigus, au début des années 60 à l’angle des rues P. Passemard et C. Terrasse. Le SIVOM (syndicat intercommunal à vocations multiples, ancêtre de la Communauté de communes) occupera, après quelques travaux, le petit bâtiment administratif vacant.
Un nouveau médecin, le docteur De Lambert, s’est installé au n° 43. Depuis 1925, un bâtiment avec cour et dépendances a été construit contre celui du n° 49. Un marchand de matériaux de construction, Armand Comby s’y est installé, occupant une dizaine de compagnons dont certains fabriquent des moellons. Au rez-de-chaussée de ce numéro, Elise Gérardin ouvre un café ; son mari est facteur. Plus tard Mme Farenc, Mme Ragot et Mme Ferraton tiendront successivement ce dernier. Louise Favre, devenue veuve, est toujours épicière au n° 57. Elle cèdera son fond, vers 1940 à Diego Illan, coiffeur et à sa femme épicière cafetière.
À droite de Maurice Silvestre, l’atelier Désigaux, et l’épicerie-café-salon de coiffure Illan en1952
Au rez-de-chaussée du 59, aux alentours de 1935, un petit atelier de tissage, comportant cinq métiers sert d’annexe à l’usine Desigaux dont Joseph, un des fils en prendra plus tard la direction. Vers 1960, la crise du textile entrainera sa fermeture au grand soulagement des locataires de l’immeuble qui purent enfin s’entendre parler. Le bistanclaque avait vécu. Au n° 91, André Ferry tient le Café de l’Industrie, succédant à Marie Yvorel. Plus tard, Paul Gramelle prendra la suite en créant une partie restaurant : Relais Routier. Il y avait même un arrêt facultatif des cars Citroën de la ligne Lyon-Clermont. Au n° 103, une fabrique de bolducs sera montée par Joseph Rey mais fermera dans les années 80.
Les années passent. Survient le deuxième conflit mondial 1939-1945. Cinquante-sept arbreslois seront faits prisonniers en mai et juin 1940. Onze d’entre eux habitaient la rue de Bordeaux : Pierre Arsac, Jean Dufiel, Felix Grégoire, Léon Jacquemot, Pierre Joyet, Henri Para, Antoine Piegay, Roger Prévost, Joannès Proton, Mardice Zaroukian et Petrus Molière. Le 19 juin 1940, chez le docteur Dusserre au n° 27, se déroule un épisode tragique. Vers 18 heures, une unité allemande SS qui participe à l’invasion du pays, arrive à l’Arbresle et bloque la cité, impose le couvre-feu. Six victimes civiles sont à déplorer. Parmi elles, un mineur de St Pierre la Palud : Jean Maslouski arrivant de Sain Bel à vélo est abattu vers le garage Billon. Pendant une accalmie il est transporté grièvement blessé chez le docteur. Sa bonne Eugénie Philippon ouvre la porte pour l’accueillir. Quelques instant après, se trouvant derrière une fenêtre du rez-de-chaussée, elle est atteinte d’une balle tirée de la rue. Ces deux blessés ne pourront être transférés que le lendemain matin à l’hôpital de Tarare où ils décèderont dans la journée du 23 juin.
Par la route de Bordeaux arrive enfin l’armée française libératrice le samedi 2 septembre 1944, sous une pluie battante. En 1946, le Conseil Municipal décide de débaptiser la route de Bordeaux pour l’appeler rue Gabriel Péri en souvenir de cet homme politique né en 1902 à Toulon, député, grand résistant, arrêté et fusillé par les Allemands à Paris en 1941. Vers 1947-48, Jean Granjard transfère son horlogerie de la rue Colonel Prevost au n° 9. Au n° 23, l’épicerie-laiterie disparaîtra lorsque Marie Botton prendra sa retraite, pour laisser la place à un café où plusieurs propriétaires se sont succédés dont Kasmareck, Santy, Charvolin avant Michèle et Georges Subrin qui l’ont tenu de 1981 à 1989. Au n° 26, Paul Gérard et son fils Georges, commissionnaires qui ont repris leur activité dès la fin de la guerre, louent un garage pour leur camion Citroën tout neuf. Chaque soir celui-ci est garé avec ses précieux colis. Georges au volant, vu l’étroitesse de la rue, manœuvrait à plusieurs reprises pour être bien dans l’axe du garage. Son père armé d’une grosse cale en bois avec poignée plaçait celle-ci tout contre les roues arrière pour éviter, la route étant bombée, que le haut de la carrosserie ne vienne télescoper l’épicerie de Marie Botton, ce qui s’était produit une fois auparavant ! Heureusement, le trafic était peu important et les chauffeurs des quelques véhicules bloqués attendaient patiemment. Dans l’entrepôt voisin était installé Claude Marand qui, à l’aide de sa cardeuse, "refaisait" la laine des matelas dégageant une fine poussière. Il se déplaçait à domicile chez les clients qui le souhaitaient ayant bien entendu un espace suffisant à l’air libre.
Vers 1950, il est envisagé de construire un nouveau bureau de Poste, l’actuel devenant trop exigu. Dans l’annexe du parc municipal située près du n° 22 (où l’imprimerie Perraud laisse sa place à un nouveau boulanger, M. Lachenal), des travaux de terrassement aménagent l’emplacement du bâtiment qui abritera la nouvelle Poste. Pour diverses raisons, le projet est annulé ! La Poste déménagera quand même… mais en 1967, place de la République, dans un bâtiment neuf. Cependant, l’emplacement creusé, dit le "trou de la Poste", verra quand même la construction d’un bel immeuble en copropriété qui, en 1964, recevra au rez-de-chaussée la nouvelle caserne des pompiers.
ensemble du corps des Sapeurs-Pompiers devant leur caserne dans les années 80
Ils y resteront jusqu’en juin 1990, date à laquelle ils intégreront leurs nouveaux locaux, à la place de l’EDF, route de Lyon.
Toujours vers 1950, Pierre Proton, ancien boulanger, créera, dans les anciens locaux de l’usine de tissage Jourdan, un garage avec l’aide de M André Allemano, garage mitoyen de la fabrique de bolducs de Joseph Rey. Il aura plusieurs propriétaires successifs : Charvolin, Julien, Ville et Meyssonier qui transférera l’activité rue Claude Terrasse dans la zone commerciale des Martinets fin des années 90. Actuellement un centre de soins a pris possession des lieux.
Il y avait à cette époque un service de ramassage des ordures, dites alors "équevilles", qui se limitait à la collecte des cendres récupérées dans les fourneaux de chaque ménage. Chacun mettait sa poubelle ou sa caisse en bois en bordure du trottoir et, à des jours précis, le matin, le père Rebosson passait à contre sens à partir du pont de chemin de fer en direction de Sain Bel, car il n’y avait à partir de là que des maisons sur la gauche. Aidé de son cheval attelé à un tombereau, il récupérait le tout pour aller le verser en bordure de la Brevenne, non loin du maraîcher Vial, après l’actuel jardin d’enfants des Vernays. Après tamisage des cendres, Jean Vial s’en servait de terreau.
Le tout-à-l’égout sera mis en service dans les années 60, auparavant les habitations étaient équipées de fosses d’aisance surmontées de cabinets à la turque construits dans les jardins ou les cours attenantes. Ces fosses étaient vidées régulièrement par l’entreprise Devedeux "vidange inodore" qui ne l’était seulement que de nom. En effet, à l’aide d’un camion-citerne avec pompe aspirante et de longs tuyaux souples, aux joints plus ou moins étanches, le purin était récupéré et épandu dans les jardins et les terres agricoles.
Durant les années 1960, la pâtisserie de Clément Bourricand, qui avait remplacé Lucien Clauzier , et le Café du Parc de Jean Gaillet, situés au n° 1, disparaissent tour à tour permettant ainsi l’agrandissement du magasin d’alimentation Casino mitoyen mais donnant sur la rue Centrale. Au n° 27, M. et Mme Vignes, dentistes, ont remplacé le docteur Dusserre.
La crise du textile provoque la fermeture des usines de tissage. Seule l’usine Roche, au n° 101, conservera une partie de son personnel, repris par Rhône Ressorts qui s’installera dans les locaux vidés de leurs cent cinquante métiers à tisser !
L’arrivée dans la région des grandes surfaces provoque la fermeture progressive des trois épiceries de la rue.
Le domaine du Clos Landar qui, à partir du pont de chemin de fer, au débouché de la rue du Four à chaux, était clos par un mur de pierres haut de deux mètres cinquante, voit celui-ci démoli sur toute sa longueur. D’abord, deux villas sont construites en face du n° 43 puis, en 1977, une bande de terrain est acquise pour permettre la construction d’une grande surface avec station d’essence qui sera opérationnelle vers 1979-1980 sous le nom de Cordial qui deviendra Super U.
Super U au dessous du Clos Landar
Déjà, un peu plus loin, en face du n° 95, un lotissement (les Airelles) a été construit vers 1968, dominant la rue Gabriel Péri.
En 1974, deux nouveaux immeubles en copropriété (les Primevères) ont été construits à la fin de la rue Gabriel Péri, en face de l’exploitation horticole Ferrière.
En 2006, la grande surface Super U quitte son emplacement pour s’installer, en s’agrandissant, dans la zone du Martinet. En lieu et place, trois nouveaux immeubles sont bâtis : deux en 2010, habités en 2011 et un en 2011, habité en 2012, soit quatre-vingt-dix appartements en tout.
Ainsi, en un peu plus de cent cinquante ans, la route de Bordeaux, devenue rue Gabriel Péri, a complètement changé de visage. L’aspect champêtre de la fin du XIXème siècle, avec notamment les terrains agricoles, les vignes (les plus au sud de l’appellation beaujolais), la ferme du Clos Landar et ses vaches laitières, a peu à peu disparu. Vers 1950 encore, à la belle saison, par les chaudes soirées d’été, troublé par le grésillement des grillons du Clos Landar, les riverains prenaient le frais après souper sur le trottoir, chacun amenant sa chaise Les enfants jouaient sur la route déserte, attentifs toutefois à l’arrivée d’une éventuelle automobile, vite repérée par ses phares jaunes trouant la nuit. Dans le calme du soir, on entendait les cors de chasse des frères Pierre et Jean Pignard qui correspondaient par-dessus la vallée avec ceux de M. et Mme Poujols habitant à Éveux.
À gauche, Pierre et Jean Pignard avec Henri Montailler et René Solle
M. et Mme Poujols avec leur rallye
L’évolution de la société, l’avènement de l’automobile, des grandes surfaces et des zones industrielles ont transformé cette rue paisible en avenue bruyante, à la circulation intense et polluante, où tout piéton doit être très vigilant avant de changer de trottoir, des accidents graves s’étant déjà produits.
Cet état de fait a amené la municipalité à supprimer le passage des défilés sur cette voie pour éviter toute entrave à la circulation, confirmant ainsi, s’il en était besoin, "l’invasion" de l’automobile.
Défilé de l’Union Arbresloise en 1947
À droite, le bâtiment des Ponts et Chaussées au n° 33 bis
Défilé des classes en 0 en 1960
Nous ne verrons plus les défilés des classes, zigzaguer comme ils le faisaient jusqu’aux années soixante-dix, ni les défilés des gymnastes de l’UMSA se rendant au stade de la Tuilière (4) pour les concours ou ceux de l’UA rentrant au gymnase rue Emile Fournier. Au tout début du XXème siècle, d’après un témoignage oral recueilli auprès d’André Delorme et confirmé par Pierre Pignard, il aurait même été organisé des courses de chevaux dans cette rue.
À l’exception de deux cafés, le Stop Bar au n° 5 et Chem’s II au n° 49, tous les petits commerces de proximité ont disparu, laissant la place à de nouvelles professions : auto-école, agences immobilières, assurances… Nous sommes au XXIème siècle !
Gilbert Silvestre
Grand nombre de détails proviennent des relevés de recensements collectés aux Archives Départementales du Rhône par Antoine Meunier qui était membre des Amis du Vieil Arbresle. 1 – Pour en savoir plus sur Claude Terrasse voir l’Arborosa n°27 de mai 2010. 2 – Pour en savoir plus sur Antoine Pagneux se reporter à l’Arborosa n°3 de mai 2002. 3 – Voir dans ce même numéro d’Arborosa l’article sur l’histoire de l’usine Roche. 4 – Il se situait approximativement à l’emplacement de Carrefour Market