Chronique de Benoît Mailliard – 2ème partie
Résumé
LI L’an du Seigneur 1495, le vendredi 5 du mois de Juillet, à deux heures environ après midi, s’abattit sur la ville de Lyon et ses faubourgs, à Saint-Just, une étonnante et violente tempête, telle que jamais, de mémoire d’homme, […]
LI
L’an du Seigneur 1495, le vendredi 5 du mois de Juillet, à deux heures environ après midi, s’abattit sur la ville de Lyon et ses faubourgs, à Saint-Just, une étonnante et violente tempête, telle que jamais, de mémoire d’homme, on n’en vit pareille ; et il y eut une telle quantité d’eau que le lieu dit de la Chana[1], comme beaucoup d’autres, fut ruiné de fond en comble. La tempête brisa nombre de tuiles des maisons de la ville et des faubourgs. Cette tempête ne s’abattit pas ailleurs, du moins à ce que l’on dit. Les mois de Mai, Juin, Juillet, Août et Septembre furent arides et très secs. Néanmoins, en certains endroits, les vins furent satisfaisants.
LII
Aujourd’hui 13 Octobre de l’an 1495, de la douzième heure de midi à la troisième heure après midi, il y eut des coups de tonnerre fort impétueux et il plut abondamment.
L’an susdit, le vent du nord commença à sévir au jour de saint Romain, 18 novembre, et l’hiver dura pendant quatre mois continus, et le Samedi qui fut jour de saint Grégoire, la neige tomba. Le 19 du mois de Mars, l’an 1495, qui fut le Samedi suivant, le vent souffla horriblement ; il avait dèjà soufflé impétueux pendant quinze jours. Cette année il y eut bissexte. Le vent dura jusqu’au jour de Mercredi 23 dudit mois de Mars. Le jeudi qui suivit, la nuit veille de l’Annonciation de la Sainte Vierge Marie, et ce jour là, qui fut le Vendredi, il tomba abondance de neige, et depuis midi, pendant le reste du jour, le Samedi suivant et le jour du Dimanche des Rameaux suivant, le vent du nord souffla et il gela très fort ; il tomba de la neige ce dernier jour.
Cette année le roi revint à Lyon au mois de Novembre[2]. La reine, monseigneur Jean², duc de Bourbon, madame la duchesse de Bourbon et la duchesse d’Orléans sœurs du roi, vinrent aussi audit mois de Novembre et y séjournèrent [3].
LIII
L’an du Seigneur1495[4], au mois de Mars, vinrent en nombreuses troupes, au pays de Lyon, les gens d’armes de l’armée du roi ; ils séjournèrent et circulèrent dans le pays de Lyon dudit mois de Mars, jusqu’au mois de Juillet suivant, 1496. Le roi Charles VIII vint à Lyon, au mois d’Avril de ladite année 1496, avec la reine, son épouse, duchesse de Bretagne[5], les princes, la duchesse de Bourbon, sœur du roi, avec tous les grands, nobles et capitaines du royaume ; on traita alors à Lyon du retour du royaume de Naples. Les gens d’armes qui étaient au pays de Lyon dissipèrent et mangèrent les biens des laboureur qui en furent grandement désolés. Ils ne firent pourtant point autrement violence au pays et aux laboureurs que de consommer les vivres. Cette année fut fort abondante en fruits et autres denrées. La reine retourna en France au commencement du mois de Juin et le roi la suivit à la fin de ce même mois. Le duc d’Orléans, le cardinal de Saint-Malo et plusieurs autres grands restèrent à Lyon, attendant là le retour du roi. Il y eut alors foule de voleurs, de fripons, de personnes inutiles et sans aveu, tant à Paris que dans les autres cités, villes et lieux du royaume de France et de Bourgogne. Ils furent pris et amenés par des commissaires à Lyon, de là conduits, enchaînés et chargés de fers, jusqu’à Aigues-Mortes et placés sur les galères pour ramer sur mer jusqu’à Naples .
LIV
En France, au mois de Septembre de l’an 1496, la reine accoucha d’un enfant Dauphin qui mourut aussitôt.
LV
On rapporte que monseigneur le comte de Montpensier[6] fut traîtreusement arrêté par les Napolitains et retenu prisonnier et gardé dans Naples. Quoi qu’il en soit, il mourut dans ce pays, mais ni arrêté ni prisonnier.
On dit que monseigneur d’Aubigny [7]qui occupait le pays de Naples, le quitta faute de secours et vint à Rome, où il est malade et prisonnier.
Le roi Charles VIII, la reine et d’autres seigneurs, princes et nobles quittèrent la ville de Lyon vers le milieu du mois d’Août ; le roi alla à Moulins où il resta jusqu’au mois de Décembre suivant ; audit mois de Décembre, il alla en France .
LVI
Cette année et pendant les mois d’Août, Septembre, Octobre, Novembre et Décem-bre, circulèrent par le pays des gens d’armes de pied qui firent beaucoup de mal ; enfin le roi manda de les chasser du pays. Une troupe d’environ trois cents fantassins allemands voulut loger à Saint-Clément-de-Valsonne ; les gens dudit lieu et d’autres environnants se réunirent en grand nombre et les chassèrent par force et violence. Ils furent là presque tous battus et blessés ; sept furent tués ; on les expulsa ainsi du pays.
LVII
L’an du Seigneur 1496, l’été ne fut ni chaud ni froid. Cette année assez tempérée, sèche et pluvieuse, fut fort abondante en toutes sortes de biens, fruits, blés, et vins. Les vendanges furent telles et si abondantes que dans presque tout le pays de Lyonnais on ne trouvait ni cuves ni tonneaux pour mettre les raisins et le vin. Et moi Benoît Mailliard, grand-prieur et prieur de Courzieu, j’ai eu cette année, dans ma dîme du prieuré de Courzieu, environ cinq cents ânées de vin. Que Dieu soit loué !
Et cette année, la veille de l’Exaltation de la Sainte-Croix, ce jour même et le lendemain, le vent souffla outre mesure, si bien que le peuple croyait que les raisins étaient complètement détachés des ceps. Il y en eut en effet certain nombre d’arrachés, néanmoins les vendanges furent fécondes et abondantes comme dessus .
LVIII
Cette année 1496, les vents furent fort violents aux mois de Novembre et Décembre ; le froid se fit sentir et il gela pendant trois jours avant la fête de sainte Catherine, ce jour là aussi et également deux jours avant la fête de la Nativité du Seigneur, ce jour même et le lendemain. Ces deux mois de Novembre et Décembre furent fort pluvieux. L’Avent fut doux et pluvieux. La semaine de la Nativité du Seigneur fut pluvieuse. Du premier jour de Janvier jusqu’à la fête de saint Hilaire qui suivit, il plut sans interruption et les rivières furent si grosses que personne ne pouvait les traverser ; il avait plu la nuit précédente, tout le jour et la nuit suivante. Les fleuves du Rhône et de la Saône s’étendirent au-delà des rives, tant dans la ville de Lyon qu’en dehors, surtout le Rhône, qui fut si gros et si large que rien n’apparaissait des maisons de la Guillotière, sauf les tuiles. Pendant presque dix jours le Rhône reflua jusqu’aux Célestins ; la Rigaudière, l’abbaye d’Ainay étaient pleines de ses eaux ; en un mot, de mémoire d’homme ni de tradition, le Rhône ne fut jamais si gros, si fort, ni si étendu. On raconte que par suite de la grosseur et de l’impétuosité des eaux du Rhône, le pont du Saint-Esprit[8] fut ruiné presque en entier .
Les fêtes des Rois furent chaudes ainsi qu’au mois de Mai. Le jour de sainte Agathe fut le Dimanche-gras et premier dimanche de Carême. Les jours furent pluvieux et doux pendant tout le mois de Janvier jusqu’à la fête de la Conversion de saint Paul, puis ils furent âpres et secs jusqu’à la fin dudit mois.
Au mois de Février suivant, les nuits furent froides et les jours très chauds jusqu’au Lundi 13 Février ; alors il gela fortement pendant trois jours, puis il plut jusqu’au Vendredi. Le vent du nord souffla le Vendredi et le Samedi jusqu’à la mi-nuit, veille du Dimanche. Pendant la semaine des fêtes de la Chaire de saint Pierre et de saint Mathieu, le vent du nord souffla âprement, le froid fut rigoureux et il gela jusqu’au premier jour de Mars .
Mars fut au commencement assez froid ;le vent du nord se maintint pendant quinze jours. Le Mardi 14 Mars la neige tomba avec abondance, et resta sur le sol pendant deux jours .
Cette année 1496, la fête de l’Annonciation de la Sainte Vierge Marie fut le Samedi, veille de Pâques.
LIX
L’an du Seigneur 1497, la fête de Pâques fut le lendemain de l’Annonciation de la Sainte Vierge Marie, 26 Mars, et nous avons eu la lettre dominicale A.
Le mois d’Avril fut au commencement chaud et sec jusqu’au Jeudi vingtième jour dudit mois, auquel jour, pendant toute la nuit et le lendemain Vendredi, la neige tomba en abondance. La fête de saint Georges fut le Dimanche suivant et il plut sans interruption toute la nuit du Vendredi, le Samedi et le Dimanche de saint Georges ; fleuves et rivières étaient si gros qu’aucun cavalier ne les put traverser. Les autres mois de Mai et de Juin furent assez froids et pluvieux, il y eut beaucoup de cerises ; les blés furent satisfaisants. Juillet et Août furent arides et chauds, de même Septembre, Octobre et Novembre jusqu’à la fête de saint Clément.
La veille de saint Clément, le jour même et celui de sainte Catherine, le vent du nord souffla impétueusement, ainsi que la veille de saint Nicolas, le jour et le lendemain, et il plut abondamment. Le froid se fit vivement sentir pendant tout le mois de Janvier, et du jour de saint Valentin jusqu’au ….Les vendanges furent, cette année assez satisfaisantes et les vins bons. Cette année, une épidémie sévit dans la ville de Lyon[9] et plusieurs autres lieux du pays de Lyonnais, surtout dans la ville de Sain-Bel.
Le vent et la traverse soufflèrent, cette année, le jour de saint Romain, 18 Novembre.
Les fêtes de la Nativité du Seigneur furent fort chaudes ; les jours et les nuits des fêtes de Noël et de saint Etienne le vent souffla impétueusement. Le jour de saint Etienne, au lendemain de la Nativité du Seigneur, vers cinq heures du matin, il tonna, il y eut des éclairs magnifiques et il plut abondamment pendant environ une demi-heure, et surtout dans la ville de Lyon .
LX
Ladite année 1497, il y eut un long et âpre hiver qui dura presque quatre mois, c’est-à-dire pendant les mois de Novembre, Décembre, Janvier et Février, si bien que le peuple ne put travailler en rien, du moins peu. Tout Janvier fut très froid et il gela fort pendant ce mois. Cette année, le Samedi 7 Avril, veille du Dimanche des Rameaux, mourut sans enfants le roi Charles VIII, entre la onzième et la douzième heure de nuit[10].
LXI
L’an 1498, le jour de Pâques fut le 15 du mois d’Avril et nous avons reçu la lettre dominicale G.
L’an susdit 1498, les mois d’Avril, Mai, Juin et Juillet furent assez pluvieux ; il y eut pourtant de très fortes chaleurs pendant quelques jours de Juin et de Juillet.
Cette année fut roi de France Louis, duc d’Orléans[11].
Le mois d’Août fut pluvieux et âpre à intervalles de certains jours et heures. Il y eut peu de froment, mais beaucoup de seigle et aussi d’avoine.
Cette année 1498, la nuit de l’Exaltation de la Sainte-Croix, il y eut du tonnerre fort violent et des éclairs admirables, et tels que chez nous, de mémoire d’homme, on n’avait entendu parler de semblables.
Du jour de l’Exaltation de la Sainte-Croix, l’an susdit, et pendant tous les mois d’Octobre et Novembre, il y eut une forte chaleur et, à divers jours de ces mois, il tonna. Les fêtes de la Toussaint et de saint Martin furent très chaudes, comme si l’on était au mois d’Août ; il y eut peu de pluie ces mois-ci .Le Mardi jour des saints Agricole et Vital, 27 Novembre de l’an susdit, environ la deuxième heure après midi, il y eut éclatant tonnerre et une horrible tempête s’abattit tant en Forez qu’en Lyonnais. A Montbrison, la tempête fut si violente que les habitants de cette ville crurent périr. Il tomba dans ces pays de grosses pierres de la grosseur du poing d’un homme, elles tuèrent au vol foule d’oiseaux.
Le Dimanche second jour de Décembre, l’an susdit, depuis l’heure de Vêpres jusqu’au Lundi suivant, environ midi, le vent souffla avec une telle impétuosité que de mémoire d’homme on n’en vit pareil ; il renversa et démolit de fond en comble plusieurs maisons et tours, tant dans la ville de Lyon qu’en Lyonnais et en Forez. Il arracha entièrement quantité de gros arbres ; il démantela la tour de Sain-Bel et emporta l’horloge qui s’y trouvait ; on ne put retrouver cette horloge de deux jours. Il fit encore quantité d’autres maux qu’il serait difficile d’énumérer ici.
L’an susdit 1498, environ la fin du mois de Février, le froid se fit vivement sentir pendant dix jours, et, le 25 dudit mois, la neige tomba en abondance et continua presque pendant tout le mois de Mars suivant ; le froid fut rigoureux pendant ce mois.
LXIII
Au mois de Décembre, l’an susdit 1498, entra à Lyon, monseigneur le duc de Valentinois en Dauphiné, neveu du pape Alexandre[12], avec une grande pompe dans les habits, et les chevaux.
LIV
L’an du Seigneur 1499, Pâques fut le dernier jour de Mars et nous avons eu la lettre dominicale F. Ce jour, la neige tomba et tout le mois de Mars fut très froid. La neige fut abondante, les montagnes en furent couvertes d’une couche fort épaisse ; le froid et la gelée durèrent jusqu’au 5 Avril, dans la semaine de Pâques. Le mardi après Quasimodo, 9 d’Avril, il plut et tonna très fort ; la grêle tomba.
Cette année, le jour de l’Ascension du Seigneur fut le 9 Mai et la Pentecôte le 19 .Le Lundi, lendemain de la Pentecôte, environ la cinquième heure après midi, il plut étonnamment et la pluie fit beaucoup de mal en plusieurs endroits et surtout les paroisses de Lentilly[13], Sourcieux[14], Salvagny[15] et plusieurs autr Le froid fut rigoureux le Mercredi des Quatre-Temps de cette semaine ; le Vendredi, dernier jour de Mai, le vent du nord souffla impétueux.
Juin fut très chaud pendant huit jours, au commencement ; au milieu fort pluvieux ; il y eut de grands déluges dans la ville de Courzieu. Le mois de Juillet fut chaud et le Lundi 8, une terrible tempête s’abattit.
Aujourd’hui Dimanche 4 Août, l’an susdit, toute la nuit il tonna affreusement ;Il y eut des éclairs et de la pluie, et le lundi suivant
Lundi 23 Septembre, l’an susdit, il plut abondamment ; le Mardi suivant le vent souffla impétueux, fit beaucoup de mal aux raisins, arracha plusieurs arbres et fit tomber, noix, pommes et autres fruits.
Octobre, cette année, fut pluvieux ; les vins chez nous, gens de Savigny, furent en quantité satisfaisante.
Novembre, l’an susdit, fut pluvieux au commencement à différents jours jusqu’au jour de saint Romain ; la nuit veille de saint Clément, le vent du nord souffla impétueux, le froid se fit très vivement sentir et dura jusqu’à l’avant-dernier jour dudit mois.
LXV
L’an susdit 1499, aux mois de Juillet, Août et Septembre, passa par ce pays de Lyon [16] une grande foule de nobles, barons, chevaliers et gens d’armes marchant pour le roi Louis XII[17], duc d’Orléans, contre Ludovic, duc de Milan, surnommé le More, qui, sans prévenir son hôte, quitta la ville de Milan et s’enfuit en Allemagne avec son trésor et ses innombrables richesses. A ce que l’on dit, il emmena avec lui environ cinquante mulets chargés du trésor et des richesses. Le roi Louis recouvra la ville et le comté de Milan pacifiquement et sans résistance [18]. Le roi revint de ce pays en France au mois de Novembre, l’an susdit, et le samedi, fête de saint Clément, entra de nuit à Lyon, et le lendemain, environ à deux heures du matin avant le jour, il quitta la ville, retournant en France en toute hâte .
LXVII
Le Mercredi 19 Mars [19]de ladite année, la reine de France coucha à l’Arbresle. Le lendemain Jeudi le roi, qui était à Lyon, vint du matin à l’Arbresle au-devant de la reine ; il l’accompagna et l’amena jusqu’à Lyon [20].
LXVIII
Le 3 Avril de l’an susdit 1499, le seigneur de Ligny, le seigneur de la Trémouille[21], le seigneur Jean-Jacques[22] et autres capitai-nes français avec leurs troupes arrivèrent devant Novarre. Dans cette ville était messire Louis, duc de Milan, avec une grande troupe de gens d’armes, Allemands, Bourguignons et autres. Ledit messire Louis fut enfin pris[23]. Il se rendit à monseigneur de Ligny et fut amené par les gens du roi au royaume de France. Il entra à Lyon, environ à la cinquième heure après midi, le Samedi 2 Mai, l’an du Seigneur 1500[24]. Avec lui étaient deux cents archers de la garde du roi qui le conduisaient. Le roi gagna le duché de Milan pacifiquement.
LXIX
Le Vendredi 20 du mois de Décembre, l’an susdit, le froid commença à se faire vivement sentir et dura pendant cinq semaines.
L’an susdit, le mois de Février fut, au commencement, pluvieux ; à la fin, environ les dix derniers jours, il fut fort chaud. Cette année il y eut bissexte et du 1er Janvier jusqu’au premier Dimanche de carême nous avons eu la lettre dominicale E, et dudit premier Dimanche de Carême, qui fut le 1er Mars, nous avons eu pour toute l’année la lettre dominicale D. Ce jour, premier Dimanche de Carême, la chaleur se fit sentir comme si l’on était aux environs de la fête de saint Jean-Baptiste, et dura pendant quinze jours dudit mois de Mars.
Le Lundi 16 du mois de Mars et le Mardi suivant le vent souffla étonnamment et il tonna le Mardi. Le Mercredi 19 dudit mois de Mars la neige tomba en grande abondance et le Jeudi suivant il gela. Le Vendredi suivant la neige alterna avec le vent.
LXX
L’an du Seigneur 1500, le premier jour de Mai, qui fut le Vendredi fête des saints Philippe et Jacques, les Samedi, Dimanche et Lundi suivants, il plut très abondamment, si bien que les rivières du pays furent grosses et rapides outre mesure, et telles qu’on ne les avait vues depuis vingt ans. L’air fut très froid ; presque tout le mois de Mai fut pluvieux.
L’an susdit, le 28 Mai fut la fête de l’Ascension du Seigneur ; le premier jour de Juin de ladite année, qui fut un Lundi, et le lendemain, il plut ; le 7 Juin fut le jour de Pentecôte.
L’an du Seigneur 1500, le jour de Pâques fut le 19 Avril, et nous avons eu la lettre D pour lettre dominicale.
LXXI
L’an du Seigneur 1500, le Samedi qui fut le 9 Mai, la Saône fut si grosse qu’entre Albigny au Mont-d’Or[25] et Vimy[26], environ à sept heures du matin, un bateau se perdit ; hommes, femmes, jeunes gens des deux sexes furent engloutis ; parmi eux six femmes grosses ; en tout, cent personnes moins une. Le même jour, la même année, périt un autre bateau avec une nombreuse multitude, hommes, femmes et enfants, sur la Loire, près de Balbigny en Forez .[27]
LXXII
L’an susdit, c’est-à-dire 1500, le 1Ier Août, qui fut le Samedi de saint Pierre-aux-Liens, il tonna très violemment il y eut des éclairs, la foudre tomba et il plut en abondance à Courzieu, l’eau de la Brévenne[28], entraîna le chanvre en grande quantité. Quatre fois ce jour ce mauvais temps recommença, et deux fois pendant la nuit il s’abattit sur la terre.
Le Vendredi 4 Septembre, l’an susdit 1500, de vêpres jusqu’à la nuit, il tonna beaucoup et la tempête s’abattit impétueuse ; le Samedi suivant, il plut beaucoup et il tonna.
LXXIII
Le Vendredi 20 Novembre, ladite année 1500, les Samedi, Dimanche et Lundi suivants, le vent du nord souffla âprement et le froid se fit sentir outre mesure et si rigoureux que de longtemps on n’avait vu pareil froid, du moins à pareille époque, et pendant huit jours. Le Mardi et le Mercredi suivants la neige tomba et le froid se fit vivement sentir jusqu’au Jeudi 17 du mois de Décembre, l’an susdit.
L’an du Seigneur 1500, le mois de Janvier fut doux et à la fin chaud ; le mois de Février fut au commencement chaud, et, environ le dixième jour de ce mois, il devint froid. Dans le courant du mois de Février de cette année il y eut une grande maladie des porcs en plusieurs endroits, tant du pays de Forez que de Lyonnais ; vers la fin ce mois devint assez tempéré. Le mois de Mars, du commencement jusqu’au jour de saint Benoît 21 dudit mois, l’an 1500, fut très chaud ; le jour de saint Benoît et le lendemain il tomba de la neige en grande abondance. Les poissons frais et salés furent ce Carême de prix raisonnable ce mois fut à la fin froid ; le mois d’Avril fut au commencement âpre.
LXXIV
Cette année 1501 la fête de Pâques fut le 11 du mois d’Avril et nous avons eu la lettre dominicale C. Il passa par ce pays une grande troupe de gens d’armes, tant piétons que cavaliers, au nombre d’environ huit mille hommes. Ils entrèrent par force à Saint-Just de Lyon et logèrent dans les maisons des chanoines et des prêtres autant qu’ils y purent tenir. Ces troupes passèrent ainsi que d’autres troupes, tant de prêtres que de laïques, allant à la croisade qu’envoyait le roi contre le Turc.
LXXV
L’an que dessus, de la fête de saint Martin jusqu’à la fin, et l’an 1501, jusqu’à la fête de saint Jean-Baptiste, il y eut grande disette de blé, qui fut plus terrible pour le peuple que la famine de l’an 1480, dont il est parlé ci-dessus, et cela à cause du manque d’argent, qui était en petite quantité dans ce pays et dans le royaume de France. On ne pouvait trouver de blé ; le froment valut 18 gros, le seigle 16 gros.
LXXVI
Cette année 1501 l’été fut, du mois de Mai jusqu’au mois d’Octobre, fort sec et chaud, si bien que, de mémoire d’homme, jamais les mois d’Août et de Septembre ne furent vus aussi chauds. Les moissons furent pourtant satisfaisantes, c’est-à-dire assez sèches et peu abondantes pat rapport à la multitude de peuple petits et grands qui surgit ; les vendanges furent assez bonnes, mais pas autant que l’année précédente ; les vins furent fort bons. L’été se maintint dans cette ardeur pendant cinq mois, du premier Mai au premier Octobre, auquel jour il plut toute la journée.
Cette année 1501 l’hiver fut âpre jusqu’aux fêtes de Noël ; ces fêtes furent douces, tempérées et pluvieuses.
LXXVII
Après le Pardon et le Jubilé de Rome, il y eut au royaume de France cette année 1501, dans tous les diocèses du royaume, un Jubilé qui commença le Vendredi-Saint et fut continué jusqu’au jour de saint Jean-Baptiste, pour aller contre le Turc, contre lequel le roi envoya une nombreuse armée .
LXXIII
Cette année, au mois d’Août et vers la fin de Juillet, l’armée du roi, qui était sur mer dans les environs de Naples attendant le Turc et sa troupe, voyant qu’il n’apparaissait pas, prit terre au port de Gaëte[29]. Là il y eut grande tuerie de nos gens et de ceux du roi de Naples, environ vingt mille hommes et plus, à ce qu’on dit ; nos gens remportèrent la victoire et prirent quelques villes qu’ils incendièrent et détruisirent entièrement
LXXIX
Le jour de saint Luc évangéliste, l’an 1501, le roi Louis XII quitta Lyon pour aller en France
LXXX
L’an du Seigneur 1506 nous avons eu D pour lettre dominicale, le jour de Pâques fut le 12 Avril et la Pentecôte le dernier jour de Mai.
Note : Benoît Mailliard cite régulièrement la lettre dominicale. De quoi s’agit-il ?
La définition actuelle de la date de Pâques est celle définie en 325 lors du concile de Nicée. Pâques est le dimanche qui suit le quatorzième jour de la Lune qui atteint cet âge au 21 mars ou immédiatement après
La lettre dominicale complète ce dispositif : à partir du 1er janvier, on associe aux jours de l’année les 7 lettres A,B,C,D,E,F,G, puis à nouveau A,B,C, etc… Les jours de même nom sont donc désignés par la même lettre. La lettre dominicale est celle qui désigne les dimanches.
Si l’année est bissextile, on donne deux lettres dominicales pour l’année, la première est valable jusqu’au 29 février et la seconde est valable à partir du premier mars.