Extraits de la biographie inédite de Maitre Philippe
Résumé
Monsieur Philippe Collin finit la rédaction de la biographie historique qu’il consacre à Maître Philippe de Lyon, fruit de plusieurs décennies de recherches, et qui sera éditée dans courant de l’année 2015. Il nous a autorisé à publier quelques extraits, qu’il a lui-même sélectionné de son ouvrage, ouvrage qui dépassera les 800 pages, et dont une partie sera constituée d’annexes. Celles-ci valideront les découvertes historiques ainsi que les mises au point concernant la vie et la personne de Monsieur Philippe, et que la biographie de Monsieur Collin nous révélera.
L’annonce de l’Esprit de Vérité.
(…) Comme pour tous les « messies », la naissance (ou la présence) de Mr Philippe sur Terre se doit d’être annoncée par les prophètes de son temps ; c’est en tout cas ce que croit bon nombre de ses admirateurs, mais cela tient encore une fois de la légende que d’une exactitude historique. Tout doit être analysé dans son contexte.
Nous devons à Mr Roland Rassow, un sympathisant de l’association des Amitiés Spirituelles, la découverte d’un passage de La Clé de la Vie de Louis Michel de Figanières, pouvant concerner Mr Philippe.
« …Un homme parfait… envoyé sur la terre pour faire triompher la puissance du bien… Il est en France. Il est bien jeune encore… La puissance de cet homme sera si grande qu’elle forcera (les esprits pervers) à courber sous lui leurs fronts humiliés… il est en France, bien que sa demeure soit située sur les frontières de la nation… »
Pourquoi « pouvant concerner Mr Philippe » ? Parce que rien, absolument rien dans ce texte, peut laisser penser à lui. Les mêmes mots, le même texte, peuvent également laisser supposer Salzmann (1850) ou Schlatter (1856), en Alsace. (…)
Joseph et Marie.
(…) Rappelons encore une fois que Mr Philippe a dit exactement : « que son père s’appelait Joseph et sa mère Marie et – précision – que son grand-père s’appelait Pierre et qu’ils s’appelleront toujours ainsi. »
Or voilà, aucun de ses grands-pères ne s’appellent Pierre, seulement deux arrière-grand-pères. Encore un mystère sur ce que Mr Philippe dit de lui-même.
Il continue : « ses futurs parents ne voulaient pas se fiancer, alors un soir, il fit que la chandelle se trouva éteinte, et les deux jeunes gens durent se promettre. »
Joseph Philippe et Marie Vachod-Pilat se marie, pas en juin comme il est rapporté par Alfred Haehl, mais le 17 août 1848, à Loisieux. Sa mère est déjà enceinte, c’est ainsi.
Le même rapporte encore que lorsque la mère de Mr Philippe sentit les douleurs, elle se rendit à pied chez la sage-femme, si joyeuse sans savoir pourquoi, qu’elle chantait en agitant une branche de laurier. L’accouchement eut lieu sans douleur.
Chez la sage-femme. La chambre de la maison de Loisieux contient encore, nous dit-on depuis des lustres, le lit dans lequel il est né. Marie Vachod aura probablement ramené la sage-femme, ou bien Mr Philippe n’est pas né dans la maison familiale.
C’est en tout cas au Rubathier que le 25 avril 1849 le petit Nizier-Anthelme pousse ses premiers cris.
C’est Mr Philippe lui-même qui précise en juin 1895 que lors de sa naissance, on vit une grande étoile brillante dans le ciel. Alfred Haehl parle d’un gros orage.
Tous ces détails sont contradictoires, bien sûr, et nous devons laisser à la légende la responsabilité de leur exactitude. Même l’heure de naissance a encore plusieurs pistes, minuit pour son frère Auguste et trois heures du matin pour l’état civil. (…)
Les frères, les sœurs.
De ce couple naîtront cinq enfants dont Mr Philippe est l’aîné.
(…) Benoît Anthelme naît en avril 1855. On écrira beaucoup de choses à son sujet. Surnommé « le saint », on le dira « instituteur libre » à Albens (Haute-Savoie). Le raccourci est assez original mais il y a une part de vérité.
Benoît est un religieux et porte l’habit, celui de la Congrégation Jean-Baptiste de La Salle.
Le noviciat de Benoît Anthelme Philippe débute à Chambéry le 15 août 1873. Appelé sous les drapeaux en 1875, le registre militaire indique : dispensé car « Frère des Ecoles chrétiennes » à Albens. Il en sortira le 9 octobre 1879 comme « instituteur libre ». Pour une raison qui nous échappe encore, il demande son rétablissement dans le contingent des disponibles aux armées le 22 février 1880 et fait son service militaire à Lyon. Mais au deuxième congé, le 30 novembre 1880, il sera réformé pour « faiblesse générale ». Il rejoint désormais son frère, qui l’héberge. Nous le retrouvons à l’Arbresle comme président de la bibliothèque de la ville, à qui il fait don de tous ses livres dès la même année. Suivant son frère, il joue à la Bourse avec le cousin Antoine Burrien, et gagne beaucoup d’argent, à ce point qu’il sera "rentier" à 25 ans, âge où il décède prématurément chez son frère, à l’Arbresle, en février 1881, tout comme le propre fils de Mr Philippe, dont il est le parrain. On l’avait surnommé : le saint. Mr Philippe a dit de lui à son frère Hugues : "S’il avait vécu, nous aurions fait de belles choses".
Benoît Grandjean est le seul à avoir rapporté que Benoît Philippe était guérisseur comme Mr Philippe. (…)
Un couple en danger
(…) Mr Philippe dépense sans compter et joue à la bourse. Il vend les valeurs de sa femme (titres au porteur, obligations, etc.), celles qui avaient été portées au Contrat de mariage, replace l’argent et perd de fortes sommes. Parallèlement, les patients reconnaissants de Mr Philippe lui confient de très fortes sommes qu’il place et perd également. Pourtant il y a toute une équipe derrière lui : des agents de change (MM Jeanin, Buravit, Bonzon, Chaummonat, Jacquet, Guigne), des coulissiers (MM Maillet, Domarel, Jacquet, et Bayeul), des courtiers (son cousin Benoît Philippe, son ami Antoine Champollion).
Son frère Benoît et son cousin Antoine Burrien sont également de la partie. Le cousin, d’abord caissier à la Trésorerie Générale (en 1880), est employé à la Banque de Lyon, rue Centrale n°38 (en1882), et flaire les bons coups. Mais c’est une catastrophe. L’épée de Damoclès flotte au-dessus de sa tête. Le 4 janvier 1882, c’est le krach boursier de l’Union Générale et Mr Philippe perd tout, l’argent de ses patients ainsi que l’argent familiale. C’est le temps des révélations et des règlements de comptes. Le moral de Madame Philippe s’écroule aussi probablement lorsqu’elle apprend que son mari a eu un enfant avec l’une de ses patientes (un petit Nizier né le 28 avril 1880). Ç’en est trop pour la famille Landar. Le 8 février 1882, Madame Philippe demande la séparation de biens d’avec son mari. L’affaire est confiée à Auguste Ruby, l’avoué de la famille. L’huissier mandaté, Rachon, de Lyon, est chargé de le signifier à Mr Philippe. Mais Mr Philippe fait le sourd et ne veut rien savoir. Il vit alternativement à une autre adresse et il paraît évident que le couple a frôlé le divorce à l’époque. Après l’expiration des délais d’ajournement, intervenu à la date du 30 avril 1884, un jugement par défaut est transcrit à l’encontre de Mr Philippe. Ce jugement lui est signifié par l’huissier Francon, de Lyon, le 6 mai 1884 ; il contient en même temps commandement de payer le montant des condamnations prononcées et les frais. Le 14 mai 1884, l’huissier Pierre Balmont, de Lyon, accompagné de deux témoins, Anatole Loiselet (1850-) et Louis Gavin (1856-), se rend chez lui 7 rue de Créqui afin de dresser l’inventaire du mobilier de cette adresse. Il résulte du procès-verbal que remise a été faite en nature par Mr Philippe à sa femme qui lui en a donné décharge, du trousseau et des objets mobiliers apportés par Mme Philippe dans le contrat de mariage pour la somme de 21000 francs, montant total de leur estimation.
Dès lors, comme on le dirait à notre époque, Mr Philippe est prié de se remettre dans les rails et de s’acheter une conduite pour que le calme revienne dans la famille. Il abandonne sa charge de guérisseur pour un temps, devient Capitaine des Pompiers de la ville de l’Arbresle en 1884 (charge honorée par son beau-père défunt dans le passé), se remet aux études de médecine (il passe son doctorat en octobre 1884 en Amérique), et s’engage de nouveau dans la vie politique (une autre charge familiale des Landar). (…)
Mort de sa fille, Victoire
(…) Victoire est malade. Non. Ou bien « oui » elle est malade. Mais des suites d’un accident naturel. Le 25 août 1904 sa fille, Mme Victoire Lalande, est victime de la foudre dans le parc du Clos Landar. Son état devint rapidement désespéré et c’est des conséquences de cet accident qu’elle meure prématurément le 29 août.
De nombreuses personnes assistèrent à l’enterrement. Mr Philippe a dit qu’il avait sacrifié sa fille, qu’il s’était enlevé le droit de la guérir et qu’elle était partie pour aplanir le chemin. "Cette mort, disait-il, m’a crucifié vivant".
Oui, comme tous les parents perdant un enfant. Pas plus, pas moins.
Ce qu’il faut surtout noter réellement, c’est que cette mort va réveiller tous les anciens fantômes de sa vie privée et intime : la mort de sa sœur Josephte dans ses bras en 1874, à l’âge de 25 ans, la mort de son frère Benoît chez lui à l’Arbresle en 1881, à l’âge de 26 ans. Toute la grande problématique de l’impossibilité de guérir les membres de sa famille, et la flopée des reproches qui vont se dire par les plus proches, lui revient en pleine face et lui brise le cœur assurément. C’en est trop pour un homme accablé déjà de tout un tas de problèmes, comme nous l’avons expliqué. Aussi sa décision est la fuite. (…)
Maladie de Mr Philippe.
(…) Mr Philippe revenu, est malade. Le samedi 20 mai 1905, Sédir et sa femme le virent à l’Arbresle pour la dernière fois. Il ne sortait plus depuis trois mois, ne pouvant plus se coucher, ni se nourrir ; passant dans un fauteuil toutes les nuits, sans dormir, ne prenant plus que du bouillon ; et souffrant d’étouffements et de douleurs aiguës au cœur. Il leur disait cependant qu’il allait être bientôt d’aplomb. « Il s’est levé à grand peine à leur rencontre, voûté, le teint terreux, la barbe longue ; il a plaisanté son vieux loup, et embrassé à plusieurs reprises les mains d’Alice. »
Le 27 mai, son secrétaire personnel y est allé à 13h30 ; on lui a dit de revenir à 18h. A 18h, on lui fait savoir que Mr Philippe était malade et ne recevait absolument personne. Cependant Mr Philippe avait reçu Mr Chapas un instant auparavant. Il comprit dès lors que la maladie était sérieuse.
L’un de ces disciples, Papus, d’un caractère un peu exubérant, actif, pratique, réalisateur, toujours en train, toujours gai, ne laissait pas cependant de créer parfois à Mr Philippe des complications par ses initiatives ou ses racontars. D’autres disciples péchaient par l’excès contraire : ils se taisaient toujours, prenant des figures de mystères, attachant à de toutes petites choses une importance capitale, et créant par leurs craintes superstitieuses d’autres embarras à Mr Philippe. Ces élèves-ci se scandalisaient des manières de Papus, voyant un sacrilège dans chacune de ses fantaisies, critiquant ses allures libres, ses projets continuels et même sa générosité.
Un jour, on apprit que Mr Philippe était malade ; le clan des disciples taciturnes se rassembla ; ils accoururent, gémirent, et construisirent mille hypothèses sur les causes de cette maladie. Papus, en voyage, ignorait tout. La maladie se prolongeait, les conciliabules devenaient agités, et l’un des membres de ce clan, qui se considéraient comme les seules personnes sérieuses, sincères et dévouées de l’entourage de Mr Philippe, en vint, un soir, à lui dire ceci : « Maître, nous en sommes arrivés à conclure que si vous, qui guérissez tout le monde, à qui toute la Nature obéit, et que Dieu exauce toujours, – si vous, dis-je, restez malade, c’est que vous êtes envoûté, et l’envoûteur, c’est Papus! ». Mr Philippe leva sur ce candide amateur de magies, un clair regard indéchiffrable, et répondit : « Eh bien, quand cela serait ? ».
Le docteur Lalande fut témoin de cette réponse incroyable et incompréhensible. Sous-entendait-elle une quelconque vérité ?
ANECDOTES
La tonsure.
Un soir, Mr Philippe et Mr Chapas entrent dans un café, place de la Bourse, à Lyon. Un étudiant dit à son compagnon : « Oh ! C’est le sorcier des Brotteaux ! » Mr Philippe les a regardés. Il a souri. Puis se tournant vers Mr Chapas, il lui dit : « Regarde bien… ».
Un des deux étudiants s’est levé, est allé trouver la caissière.
– Madame, je vois que vous êtes en train de coudre ; n’auriez-vous pas de petits ciseaux ? Lui dit-il.
– Oui… J’ai là une paire de ciseaux à broder, répond-elle, un peu étonnée.
– Voulez-vous me les prêter, s’il vous plaît ?
– Mais certainement, Monsieur…
L’étudiant a pris les ciseaux. Il est revenu auprès de son copain et lui a dit : « Mais, dis donc, on doit rentrer au séminaire et on n’a pas eu notre tonsure ! »
Il lui a fait la tonsure et l’autre lui a rendu le même service. A la suite de quoi, ils ont rapporté les ciseaux à la caissière médusée… Puis ils se réveillent et se regardent : « Qu’as-tu fait là ? », – Et toi aussi !
Ahurissement, colère, menace. Ils sortent, alors que Mr Chapas se tient les côtes en riant.
Coup de tonnerre.
Mr Philippe avait donné rendez-vous à son ami le colonel russe K. pour assister à la messe donnée à la basilique de Fourvière. Le prêche de l’abbé F. sembla pauvre et terne. Il mettait en doute le pouvoir de la foi, affirmant que les miracles rapportés par la Bible ne devaient pas être pris à la lettre, mais en tant que "symboles".
A la fin de la messe, Mr Philippe a demandé à parler au prêtre. Il lui dit : « Monsieur l’abbé, vous vous trompez, Dieu exauce toujours les prières et les vœux des âmes pures. Même de nos jours ! »
– Que la foudre tombe sur cette église si je peux croire à ces balivernes, blasphéma l’abbé F.
Alors, regardant l’abbé droit dans les yeux, Mr Philippe fit un geste de la main et aussitôt un éclair fulgura dans la pénombre de la cathédrale et la foudre tomba à leurs pieds, suivie d’un effrayant coup de tonnerre.
Fiançailles de Pierre Bardy.
Pierre Bardy s’était fiancée avec Mlle Encausse en 1902. Cette dernière était la belle-fille du docteur Gérard Encausse. Elle était née bossue en 1880 et elle avait été guérie de sa gibbosité par Mr Philippe. Pierre Bardy ne connut qu’une grande et svelte personne.
Bou Amama, vieux soufi des environs d’Alger né en 1840, était venu d’Afrique pour voir Mr Philippe et s’entretenir avec lui. Il avait assisté aux fiançailles et avait donné à Mlle Encausse une bague dont la pierre venait d’Algérie. Ils étaient à table avec Mr Philippe, Bou Amama entre Mlle Encausse et Pierre Bardy. On avait fumé et Pierre Bardy avait remis sa pipe dans son étui et l’étui dans la poche intérieure de son veston. Tout à coup, sans que la main de Mlle Encausse eut bougé, la pierre de sa bague sauta jusqu’au milieu de la table. Après le dîner, Pierre Bardy sortit son étui pour fumer : sa pipe était cassée en plusieurs morceaux. Peu après les fiançailles furent rompues.