Gaspard Claude de Claret de Montverdun Gouverneur de L’Arbresle
Résumé
Jacques-Annibal Claret de Fleurieu eut, en plus de cinq filles, quatre fils : l’ainé, fut prénommé Camille Jacques Annibal Gaspard (1727-1794) ; le second, Marc Louis Antoine (1729-17963), ami de Jean-Jacques Rousseau et disciple de Jussieu, est connu pour ses talents de botaniste ; le troisième avait pour prénoms Gaspard Claude ; le quatrième, Charles Pierre (1738-1818) est le plus célèbre : compagnon de La Pérouse, il fut, fait rarissime, ministre de la marine sous Louis XVI et sous Napoléon ; il est inhumé au Panthéon.
Nous avons très peu de choses sur Gaspard. Pourtant, il devait être un personnage important car son portrait, peint par Carmontelle en 1770 figure au musée Condé de Chantilly[1]
Pourquoi notre Gaspard était-il présent à cet événement ? Il devait certainement être très proche du Duc d’Orléans.
Deux documents, l’un en 1768 et l’autre en 1787, attestent que monsieur de Fleurieu de Monverdun, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, lieutenant-général aux Gardes Françaises, était gouverneur[2] de L’Arbtesle et habitait le château de la Tourette. À cette époque, Éveux était annexe du village deFleurieux en Lyonnais, du ressort de la sénéchaussée de Lyon. Monsieur de Fleurieux en était le seigneur.
Mr de Montverdun, gentilhomme de Mr le Duc d’Orléans Dessin de Louis Carrogis, dit Carmontelle, en 1770 Musée Condé à Chantilly
Le mystère persiste donc sur la vie de ce gentilhomme qui semble avoir eu son heure de gloire et nos recherches sont restées vaines pour l’éclaircir.
En 1753, Camille Jacques Annibal Gaspard Claret de Fleurieu est Président honoraire au Bureau des Finances de la Généralité de Lyon.
Le Catalogue des Gentilshommes présents à l’Assemblée des trois Ordres de la ville et sénéchaussée de Lyon le 14 mars 1789 pour l’élection des députés aux États Généraux nous apprend que Camille Jacques Annibal Claret de Fleurieu, Président honoraire au Bureau des Finances de Lyon, Seigneur de la Tourette, baron d’Eyrieux, fait partie de cette Assemblée.
Le Gaspard en question, gouverneur de L’Arbresle en 1787, ne peut être que l’aîné de la fratrie puisque Gaspard Claude Alphonse est mort le 17 août 1785, comme nous le confirme la revue historique nobiliaire des archives de l’État-civil de Paris.
Camille, donc, fut bien moins connu que ses deux illustres frères. Il est cependant celui qui eut la charge de continuer la lignée des Fleurieu et de perpétuer le nom et le titre. Son fils, Jean-Jacques, né en 1766, fut le dernier Fleurieu à la Tourette qu’il vendit à Louis Bellet de Saint-Trivier de Tavernost en 1801.
Pendant la Révolution, Camille n’émigra point et vint régulièrement signer le registre de la commune, Éveux ayant acquis sa propre municipalité.
Les archives de La Tourette furent détruites, comme bien d’autres par la fureur révolutionnaire, en l’occurrence les gardes nationaux étrangers à la commune, laquelle comptait alors 228 habitants.
Il épousa, le 22 décembre 1763, Marguerite Camille Marthe Fayard des Avenières. Il ajouta pour un temps à ses titres (ou d’autres ajoutèrent) "Vicomte des Avenières" alors que son beau-père était seulement "Seigneur des Avenières". Il fut aussi le dernier de la famille à porter le titre de "Seigneur de Belair".
Son épouse, née le 29 Juillet 1745, fille de Jean-Jacques Fayard, écuyer, Seigneur des Avenières, Procureur du Roi au Bureau des Finances et de Marguerite Suzanne Boisse n’avait que 18 ans lors de son mariage, soit la moitié de l’âge de son époux. Elle lui donna deux fils, l’un en 1765 et l’autre en 1766.
Marguerite Marthe était, disait-on, fort belle. Grâce à sa beauté aussi, elle monta sur les planches d’un petit théâtre privé que Monsieur de la Verpillière, Prévost des Marchands avait fait installer dans la cour haute de l’Hôtel de Ville.
Hélas Marguerite Marthe n’avait pas que des qualités, bien au contraire. En moins de neuf années de mariage, elle dilapida 300.000 livres de sa fortune personnelle et 100.000 livres de celle de son époux.
Camille Jacques devant une telle hémorragie ne pouvait qu’envisager pour lui-même des mesures conservatoiressoit une séparation ; ce que concrétisa une première convention en 1772 en échange de laquelle il s’engageait à lui servir une pension. Toujours aux termes de cette convention,les enfants restaient matériellement et financièrement à la charge du père.
Marguerite Marthe s’installa à Paris et y tint un salon littéraire recevant des hommes de lettres. Elle-même savait manier la plume. On lui devrait le livre sorti à Paris en 1784 "L’aéronautique – Le siècle des ballons".
À Paris, elle dépensait très au-delà de ses ressources, d’où la nécessité de se procurer du numéraire par tous les moyens imaginables ; mais il ne saurait être question de faire ici une biographie riche en péripéties pour une personne bien peu attachée à Éveux ; disons seulement que son époux s’opposait à toute rencontre entre eux. En 1792, est promulguée la loi sur le divorce et c’est Marguerite Marthe qui le sollicite, sans naturellement que son époux s’y oppose. Le divorce est prononcé le 20 Juillet 1793.
Camille Jacques Annibal se remarie à Éveux, durant le siège de Lyon le 30 Août 1793 à 65 ans, en prenant pour épouse une jeune arbresloise de 23 ans : Marie Élisabeth Blanc.
Dominique Raymond, grand-père maternel d’Élisabeth, notaire royal à l’Arbresle et Jean François Noël Blanc son père, Procureur fiscal de la juridiction de la Tourrette avaient tous deux assisté en 1776 aux obsèques à Éveux de Jacques Annibal. Ils sont décédés lors du mariage d’Élisabeth tandis que sa mère née Catherine Raymond est vivante et présente ainsi que Gaspard Dominique Raymond, frère ou oncle. Les documents de 1793 conservés le qualifient de cultivateur.
Élisabeth eut moins de trois années de vie conjugale. Son époux décéda à Lyon non plus à l’Hôtel de la Rue Boissac dont il avait encore la disposition en 1793 et probablement en Mai 1794, mais Impasse de l’Arsenal (vers l’actuelle rue Alphonse Fochier). On ignore la date du décès d’Élisabeth qui souhaita à 43 ans quitter le veuvage.
Le Chanoine Picard raconte qu’en 1813, Madame la Comtesse de Fleurieu-Claret, veuve du propriétaire du château de la Tourrette, se battit en duel avec Madame Jars, dont le mari alors bien vivant, était propriétaire des Mines de Chessy. Toutes deux s’étaient éprises d’un acteur en vogue auprès des parisiens, Elleviou. Ce fut, écrit le Chanoine Picard, un duel au pistolet et la Comtesse de Fleurieu blessée au poignet, fut éliminée de cette compétition de femmes, tandis que Madame Jars divorçait puis épousait Elleviou, âgé de 50 ans qui, à la même époque quittait le théâtre.
En 1842, 29 ans plus tard, Elleviou laissait Madame (Ex-Jars) née Élisabeth Antoinette Marie Fomas le 11 décembre 1774 au Bois d’Oingt, veuve pour de nombreuses années. Cette dernière agrémenta son temps de veuvage par une gouvernante arbresloise qui elle-même avait fait auparavant sa tentative de suicide dans la Brevenne, tentative pas franchement désapprouvée par son propre mari et elle avait su apprécier ensuite Monsieur Elleviou.
Cette querelle de femmes (les deux Élisabeth) reste un peu amusante, surtout pour une époque où le maniement des armes à feu était habituellement l’apanage des hommes.
Précisons que Camille Jacques était absent de Lyon à l’époque du siège (du 8 août au 9 octobre 1793), résidant à Éveux. Il pouvait du fait de son absence être facilement soupçonné d’émigration comme beaucoup d’autres dont les biens pour ce motif étaient confisqués. Il demanda et obtint de la municipalité d’Éveux au 30 Mai 1794 un certificat de non émigration établissant qu’il résidait à Éveux depuis le 1er Mai 1792 (date du premier décret visant les émigrés). Ce certificat, dit aussi certificat de civisme, attestait qu’il ne figure pas sur la liste des émigrés du département.
Sources : Notes sur la famille Claret de Fleurieu par Émile Bertholon
Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon et des provinces du Lyonnais
Robert Roth
Extrait de l’Almanach astronomique et historique de la ville de Lyon et des provinces du Lyonnais pour l’année 1787
L’ARBRESLE
Petite ville murée dans le Lyonnois, sur les confins de l’ancienne baronnie de Savigny, élection & sénéch. de Lyon. L’archiprêtré de l’Arbresle comprend vingt-sept paroisses, dont vingt-quatre sont en Lyonnois, & trois en Beaujolois & onze annexes, dont dix sont en Lyonnois & une en Beaujolois. Archip. de la congrég. de l’Arbresle, M. Duplain, curé de Châtillon d’Azergues. Archip. de la congrég. du Bois d’Oingt, M. Proton, curé de St. Véran. Archiprêtre de la congrégation de Tarare, M. Lepin , curé de Valsonne. M. l’abbé de Savigny nomme à la cure. Curé, M. Soulier, vicaire M. Gardet. Pénitents du St. Sacrement. Recteur, M. Raymond. Vice-Recteur, M. Pignard fils. HÔ P I T A L. Recteur honoraire-né, M. le curé Autres recteurs-nés, Mrs. les officiers de justice dudit lieu. Recteurs-Administrateurs, Mrs. Blanc, Raymond, & Pignard. Chirurgiens, Mrs. St. Clair père & fils, & Schneider. Gouyerneur, M. de Fleurieu de Montverdun, chevalier de St. Louis, ancien lieutenant au régiment des Gardes-Françoises. Subdélégué de l’Intendant de Lyon, M. Rigotier. Seigneur, M. de Cluny , évêque de Riez , baron et abbé commendataire de l’abbaye de Savignv. Juge, M. Berthoton, avocat à Lyon. Capitaine-châtelain & Lieutenant de Juge, M. Rigotier, notaire à Saint-Bel., Procureur fiscal, M. Raymond, notaire Greffier, le sieur Vigier, notaire à Bully, Procureurs postulants dans la juridiction de Savigny, Mrs. Desabier, Desprez, père & fils, Bouchard. Cholat, Bertrand , Guilloud, Berger, & Pignard. Notaires royaux réservés, Mrs. Desprez fils & Lacroix à l’Arbresle. Huissiers royaux, Chardon & Dupuis, Huissier de l’abbaye, Rivière , à Savigny. Garde des bois, chasse et pêche du seigneur-abbé, Gaudet, à Sain-Bel. Contrôleur des actes, M. Lebon. Receveur des aides, M. Benoit, Contrôleur, M. Vincent. Il y a à l’Arbresle une brigade de la maréchaussée de Lyon. Brigadier, M. Dupin. Un bureau des postes pour les lettres, Directeur, M. Blanc. Maître de poste aux chevaux, le sieur Caquet. L’abbé de Savigny a un ancien château, qui sert de prison, par permission de l’abbé, Geôlier, Paradis.[1] Dans son ouvrage sur les portraits de Carmontelle, F.-A. Gruyer décrit ce tableau : Gaspard-Claude de Fleurieu, seigneur de Montverdun, gentilhomme du duc d’Orléans, porte l’habit de Saint-Cloud et la croix de Saint-Louis. Debout de profil à gauche, il se promène, son tricorne sous le bras gauche, au milieu de la campagne. Il est jeune, ses traits sont réguliers et intelligents.
[2] Le gouverneur représente le roi dans son gouvernement (découpage militaire du pays). Il est nommé par lettres de provisions fixant ses pouvoirs : on doit obéissance aux gouverneurs comme on doit obéissance au Roi lui-même d’où l’usage des chancelleries de leur donner quelques fois le titre de lieutenant-général, c’est-à-dire de personnages pouvant remplacer le Roi en l’absence de celui-ci.