Les guerres, conflits et invasions

La Résistance à L’Arbresle

Résumé

Dans le cadre de la préparation de l’exposition sur la Libération de l’Arbresle en 1944, nous avons eu l’honneur et le plaisir de rencontrer plusieurs personnalités ayant participé activement à cette période importante de notre histoire. Pierre Alévêque est de ceux-là.

Le 18 août 1944 il a participé à l’action de sabotage de la gare de l’Arbresle, qui devait freiner considérablement le fonctionnement des transports allemands. Nous avons recueilli son témoignage.

Constitution et identité du groupe de Résistance de l’Arbresle / Sain-Bel

Qui étaient ces combattants de la Résistance vivant au milieu de la population du secteur de L’Arbresle ? Et vous-même Pierre Alévêque, qui êtes-vous ?

Né à Saint-Germain-sur-l’Arbresle, j’ai vécu mon enfance et mon adolescence à l’Arbresle, que j’ai quitté pour ma carrière militaire. De retour à l’Arbresle en 1942, à la dissolution de l’Armée française par Vichy j’ai choisi de ne pas me réfugier dans l’attentisme d’un hypothétique jour J de la Libération.

A quel moment a été constitué votre groupe de Résistance ?

C’est à partir de juillet 1943 que notre groupe de “Résistance-Ville” a été formé réellement et organisé, en liaison directe avec la direction du maquis de la vallée d’Azergues, devenu le « Bataillon du 14 juillet ».

De qui était formé le groupe arbreslois de Résistance ?

Nous étions au départ quatre à six jeunes hommes animés du même esprit et de la même foi patriotique. Nous étions de la région, de l’Arbresle, de Sain Bel ou de Savigny…

Dès la fin de 1943, le groupe pouvait rassembler, pour une opération, une douzaine d’hommes armés.

Je ne manquerai pas de nommer ici mes deux premiers camarades arbreslois avec lesquels a été constitué le groupe, et qui ont honoré la Résistance par leur total engagement, leur courage et leur attachement à la France. C’étaient Henri Balmas alias  « Ramier » qui hélas nous a quittés, et Lucien Joliet, alias  « Mousse », que j’ai plaisir à rencontrer à l’Arbresle.

Dans quelles conditions et dans quelle ambiance vivaient chaque jour ces résistants, au milieu de la population ?

Faut-il rappeler que la population subissait depuis plus de deux ans, le matraquage de la propagande nazie, cautionnée hélas par Vichy.

De plus l’implantation à l’Arbresle d’un détachement G.M.R (Groupe Mobile de Réserve) incitait la population locale à un comportement prudent concernant la Résistance. Il y a lieu de souligner cependant ici la neutralité et une certaine complicité que nous avons rencontrée de la part de la gendarmerie du Canton.

Mais, sans doute, l’inconscience de notre âge nous a-t-elle permis, malgré tout, de poursuivre et d’agir, en surmontant parfois les craintes et les angoisses.

Formes multiples d’action menées par le groupe

Quelle forme d’action a été menée par le groupe de Résistance dans le secteur de l’Arbresle ?

Notre action était de deux formes.

D’abord une action permanente à l’initiative et au niveau du groupe qui, je le rappelle, a été qualifié de  « groupe très actif » dans plusieurs témoignages connus.

Un bref rappel de ces opérations :

  -Distribution de tracts et de journaux

  -Recherche et transmission de renseignements concernant l’occupation du pays.

  -Récupération d’armes et de tenues de GMR vivant à l’Arbresle

  -Récupération de tickets d’alimentation nécessaires aux maquis.

  -Sabotages fréquents sur des matériels techniques de voies ferrées.

   -Destruction du château d’eau en gare de L’Arbresle.

L’action du groupe était aussi dans la participation à des opérations d’ensemble conduites au niveau du maquis d’Azergues auquel nous étions rattachés. Ces actions importantes par les moyens mis en œuvre, et par leur résultat, ont eu deux impacts de poids :

– le premier sur l’occupant, en lui imposant des contraintes de circulation et de répartition de ses moyens d’action

– Le second, sans doute aussi important, pour la population, qui reprenait ainsi confiance et assurance dans la libération de notre pays.

Parmi ces actions d’ensemble,  je citerai :

– Les récupérations d’armement et de munitions à Vaugneray en octobre 1943 et à Trévoux en mars 1944.

– Le sabotage des installations de la mine de Saint-Pierre-la-Palud en novembre 1943.

– Les sabotages des voies ferrées en gare de Lozanne en mars 1944 et de l’Arbresle en août 1944, cette dernière opération a été particulièrement réussie en raison de son impact, à ce stade de la résistance à l’occupant

Relation de l’action de sabotage de voies ferrées en gare de l’Arbresle

Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots comment s’est déroulée cette action de résistance à l’Arbresle ?

L’objectif de cette opération s’inscrivait dans une action globale de la Résistance qui était de désorganiser et de freiner le trafic ferroviaire imposé aux Allemands par le débarquement des forces alliées.

Notre objectif à l’Arbresle était de couper définitivement ce trafic ferroviaire entre Saint-Germain-au-Mont d’or, Lozanne et Roanne.

Les moyens pour cette action ont rassemblé des éléments des maquis de Tarare, de la vallée d’Azergues, notre groupe arbreslois, et quelques hommes du commando anglais parachuté depuis quelques semaines dans notre région.

Le déroulement de l’opération avait été minutieusement préparé les jours précédents par des contacts des groupes concernés. Nous avions la mission de reconnaissance de terrain.

Nous étions en place à l’horaire fixé pour guider le commando chargé de l’exécution. Dès son arrivée, notre groupe occupait les services de la gare interdisant tous les contacts téléphoniques ou autres avec l’extérieur.

La couverture immédiate de l’élément d’action était aussi à notre charge. A partir de ce moment l’action s’est déroulée très rapidement, ne pouvant réussir que menée dans les plus courts délais.

Un mécanicien du dépôt SNCF de l’Arbresle mettait en place une locomotive et une rame de wagons à lancer sur le point de déraillement tandis qu’un élément déboulonnait les voies au centre du tunnel entre l’Arbresle et Lozanne. Après les contacts nécessaires, le cheminot mettait en route la locomotive et sa rame, dans un fracas étourdissant et des gerbes d’étincelles sous les roues de la machine.

Quelques minutes plus tard, la mission était terminée et réussie, il fallait disparaître rapidement du secteur d’opération.

En conclusion de notre entretien, voulez-vous me permettre d’évoquer quelques souvenirs personnels de ce temps mémorable, mais déjà lointain, surtout pour notre jeune génération ?

En premier lieu, il me paraît juste de rendre hommage à la mémoire du chef prestigieux que fut Georges Hoerdt alias Templard, commandant du Bataillon du 14 juillet, qui a marqué par sa personnalité tous ceux, comme nous, qui eurent le privilège de combattre à ses côtés pour la libération de notre pays.

Pourquoi ne pas évoquer aussi cette impressionnante levée en masse qui, le 25 août 1944, regroupait autour de nous en un défilé de liesse dans notre ville, plus de 50 jeunes hommes qui allaient participer au combat de la libération de Lyon, à Francheville  et Chaponost où s’accrochait une unité allemande.

Enfin, pour souligner combien les temps difficiles ont aussi des moments savoureux :

– Le soir du sabotage de la gare de l’Arbresle, à l’arrivée du commando parachutiste, je saluais l’un d’eux en tentant de rassembler quelques rudiments de langue anglaise qui me restaient du collège. La réponse de l’interpelé fut la suivante :

« Ne te casse pas la tête, mon pote, je suis de Paname »

– Un souvenir plein d’émotion qui me revient de ce même soir, c’est le geste du mécanicien qui lança  sa machine vers le déraillement en disant : « vas-y ma vieille, je t’aimais bien, c’est pour la France »

Je terminerai ce « devoir de mémoire » en adressant un salut respectueux, reconnaissant et amical, à Roger Chavanet notre Guerin qui a su relater l’épopée réelle de la Résistance dans notre secteur et qui a contribué comme il le souhaitait, à entretenir cette flamme « d’esprit civique du Maquis, s’il en était encore besoin, pour la Patrie ».

Colonel  (ER) Pierre Alévêque

Officier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur

Commandeur de l’Ordre National du Mérite