Au fil des Ans

Le Moyen âge à l’Arbresle

Résumé

Nous gardons quelques témoignages de cette époque : un pan de muraille, la forteresse, quelques vestiges de ci de là, qu’il faut conserver soigneusement. Mais comment vivaient nos ancêtres arbreslois ?

Le Haut Moyen-âge

La période, qui va de Charlemagne aux environs de l’an 1000, porte le nom de "Haut Moyen âge". L’occupation romaine est déjà loin. Nous sommes en pleine féodalité ; les seigneurs locaux règnent sur leurs domaines et le gèrent à leur convenance. Le roi est loin et il n’a pas d’armée solide. Cette période est toutefois marquée dans notre région par quelques événements majeurs que nous allons rappeler.

Une circulation peu facile

Si à l’époque de l’occupation romaine on trouvait de belles voies dont l’occupant avait assuré la construction pour des raisons essentiellement militaires, la période féodale vit l’abandon de toutes ces grandes routes, puisque chaque seigneur fit ce que bon lui semblait sur ses terres. D’ailleurs, ces mêmes seigneurs, ainsi que leurs dames, avaient l’habitude de circuler à cheval et les routes étaient le dernier de leurs soucis. Bien au contraire, ils les détruisaient s’ils jugeaient qu’elles pouvaient faciliter l’accès à un seigneur voisin et ennemi. Si l’on ajoute les péages, le brigandage, le manque d’entretien, tout cela n’incitait guère à circuler.

Cette période connut seulement les chemins de desserte de la seigneurie ; ils suivaient surtout les hauteurs, pour accéder aux châteaux et pour éviter les zones marécageuses ou encaissées, qui pouvaient être des pièges. Mais notre région faisait un peu exception, car la Via Francesca, notre RN7 actuelle, était trop importante pour avoir été abandonnée.

La création de l’abbaye de Savigny

Avant même la création de la ville actuelle, qui n’existant en fait qu’à partir de la construction de la forteresse, il y avait une sorte de village sur le plateau de Louhans St Etienne, autour d’une chapelle et de quelques moines. En 542, Saint-Maur incite six religieux à construire une abbaye à Savigny et à adopter la règle de son maître, Saint-Benoît et à construire une abbaye. Il y avait cependant au confluent, un « castellum », héritage probable des Romains. C’est l’abbé, dirigeant l’abbaye qui deviendra le seigneur de la région

La construction de la « Maison Dieu »

En 646 le roi Childebert fait construire l’Hôtel-Dieu à Lyon et d’autres petits hôpitaux dans le Lyonnais dont un à l’Arbresle, pour lutter contre les épidémies fréquentes à cette époque. Ce refuge fut construit à l’entrée sud du village, avant le pont de la Madeleine. Il accueillait les passants, pèlerins, soldats malades ou mutilés, vagabonds. Une église et un cimetière complétaient ce lieu. Au quatorzième siècle, il devint, après les croisades, une léproserie.

Pour beaucoup de ceux qui revinrent des croisades le retour fut dramatique. Ils ramenèrent avec eux des maladies contagieuses et, plus particulièrement la lèpre qui ravagea tout le pays. Pour arrêter l’épidémie, les Abbés de Savigny transformèrent l’hôpital hospice de l’ArbresIe en léproserie que l’on appelait alors une «maladrerie». Nous pouvons encore de nos jours admirer le porche gothique de l’église de la Madeleine qui lui était adjointe.

Les invasions étaient fréquentes et meurtrières. En 717, invasion des Sarrasins qui exterminent les habitants réfugiés dans le "Castellum». En 934 les Huns sèment une grande désolation dans la région et pillent l’Abbaye et à nouveau le Castellum. Les querelles étaient également fréquentes entre seigneurs voisins.

Les croisades ne firent pas disparaître les heurts locaux qui caractérisent le Moyen Age. Au XIle siècle, un conflit d’autorité éclata entre l’Archevêque de Lyon, Héracle de Monboissier et le puissant Comte Guy du Forez. Les batailles qui s’ensuivirent ravagèrent nos vallées. Le différend fut réglé par un traité en 1173.

La peur de l’an 1000

L’approche du jugement dernier annoncé, provoque un afflux de dons  qui développe la prospérité de l’Abbaye, On a parfois exagéré quelques passages des vieilles Chroniques, en disant que l’an 1000 apparut aux gens du Moyen-âge comme la fin de tout, et que, dans une sorte de folie collective, les hommes avaient renoncé au travail et à l’effort. La vie ne fut interrompue nulle part, mais les hommes avaient beaucoup souffert. Puis l’écroulement de la monarchie carolingienne avait troublé les esprits et les cœurs. Il en résulta un grand mouvement religieux. L’EgIise en profita pour imposer les règles qui limiteraient les guerres privées et le brigandage. Ce fut la « Trêve de Dieu ». En même temps la chevalerie était instituée. Les devoirs de l’homme d’armes, son honneur furent exaltés et codifiés. Ce renouveau de vie spirituelle donna également naissance aux croisades qui vont se succéder pendant plusieurs siècles, et que nous évoquons plus loin. Ce sera un dérivatif puissant par lequel l’Occident préparera une sorte de renaissance en reprenant contact avec le monde méditerranéen et avec l’Orient.

Le Moyen âge

Le village et sa forteresse

Pour se défendre des multiples attaques, d’où qu’elles viennent, l’abbaye décida de construire un réseau défensif autour de Savigny. C’est l’abbé Dalmace, en 1060, qui prit cette décision. Le plus important point de défense a été l’Arbresle, car c’est là que l’abbaye prévoyait d’installer toute son administration et sa justice.

L’endroit était idéalement placé : deux rivières et leur confluent, un promontoire rocheux pour surveiller au loin, des matériaux dans des carrières proches…Les moellons bruts, nécessaires à ces puissantes murailles, furent, disent les traditions, tirés des grandes roches ou roches des Sarrasins; la pierre de taille, en grès rougeâtre, le fut soit de Persange, soit des Petites-Mollières. Les nombreux débris et matériaux des forts antérieurs, laissés sur place, servirent d’appoint.

La construction de ce système de défense est typique de l’époque féodale, car les seigneurs – et l’abbé de Savigny était le seigneur du lieu – ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour assurer leur protection et celle de ceux qui vivaient sur leurs terres. La configuration du village fortifié est celle souvent utilisée au moyen âge : un mur de ville clôture le village et ses habitations ; le vingtain est une deuxième ligne de défense, avant l’enceinte de la forteresse proprement dite.

Le seigneur d’Oingt, Leude dont les ancêtres avaient reçu, lors de la conquête burgonde, de vastes forêts dans leurs lots, donna le bois de chêne nécessaire aux grands travaux de Dalmatius à l’Arbresle. Sa participation à cette œuvre défensive fut-elle payée par l’autorisation de s’abriter sous ces murs ou le fut-elle à titre de don gracieux ? Nous l’ignorons. Pourtant un procès entre ce même Dalmatius et Falco d’Oingt, un membre de cette famille, se termina par cette transaction : Falco se rendit l’homme de Saint-Martin de Savigny, c’est-à-dire lui rendit foi et hommage, mais pour la prestation du serment, il fut exempté du don habituel en ces cas, d’or, d’argent, de mulet, mule ou cheval. Il lui fut au contraire accordé, pour le dédommager du préjudice causé par la capture d’un de ses hommes d’armes pendant qu’il était au service de l’abbaye, un destrier et une épée, sa rançon probablement. Les témoins de cet acte furent les moines Rostangnus, Itier de Bully, Jarente Rufus, Fulcher Calobius, Hugo de Miolans. On ne voit intervenir dans cette transaction ni Martin d’Oingt, ni Durant, son oncle, tous deux bienfaiteurs du monastère.

Très fortifié pour l’époque et pour son importance fort secondaire dans la grande famille des villes françaises, Arbresle abrita dès lors, outre ses défenseurs nécessaires, outre tous les membres de la haute, basse et moyenne justice baronniale de Savigny et les collecteurs des impôts divers, un grand nombre de familles chevaleresques des alentours.

Au Moyen-âge les sièges étaient souvent longs et difficiles. La population triplait dans les petites villes assiégées. Les nobles familles du voisinage avaient des vassaux, des domestiques, des tenanciers qui, venu l’état de guerre, venaient se réfugier derrière les hauts murs de la cité, à l’abri de son château fort. Il y avait aussi les artisans, les laboureurs, les hommes d’armes qui gardaient la ville et parcouraient les alentours pour défendre l’habitant et ses récoltes. L’ensemble formait une population considérable qu’il fallait protéger et nourrir pendant des semaines et parfois pendant des mois.

Ses nombreuses maisons pressées, juchées les unes sur les autres, entre ses hautes murailles, d’où émergeaient de nombreuses tourelles rondes, se détachant sur la verdure des coteaux, au milieu de ses rivières ou sur les profondeurs vaporeuses de ses deux vallées, frappaient l’œil du voyageur. Aujourd’hui bien que son aspect ait bien changé, il lui en reste encore assez pour arrêter le regard du touriste et reporter sa pensée involontairement à la ville forte et monacale du Moyen-âge.

Notre histoire locale, dès ce temps, se rattache de plus en plus à celle de l’abbaye célèbre des bénédictins de Savigny ; chaque jour rive davantage l’une à l’autre ces deux localités. Car L’Arbresle, en devenant le siège juridictionnel du monastère, ne tarda pas à en devenir la ville forte. Les documents restés sur cette abbaye jettent quelques pâles lueurs sur ce Moyen-âge mystérieux, insuffisantes néanmoins pour éclairer les ténèbres de notre histoire locale. Le roi Lother, possesseur de l’abbaye au même titre que son aïeul Karl-le-Grand, avait cédé ses droits à l’archevêque de Lyon.  Cette donation ne plaisait pas aux moines qui ne l’acceptèrent jamais que forcément et la contestèrent toujours. Ils n’avaient pas été du tout consultés dans cette concession ; aussi refusèrent-ils constamment, et cela avec la plus grande opiniâtreté, à l’église de Lyon les droits de régale spirituelle.

 

Vue générale du village fortifié

Les deux œuvres qui suivent sont les plus représentatives de la ville à la fin du moyen âge. Elles sont le résultat du travail d’un élève architecte, Henri Duchamp.

""

Son travail fut présenté en 1909, au salon de la société lyonnaise des Beaux Arts, pour un concours au Prix d’Architecture, où il obtint une mention honorable. Dans cette vue panoramique, on reconnaît sans hésitation, de gauche à droite :

– la prise d’eau de l’ancien moulin, encore bien visible de la déviation de la N 7 ainsi que la levée sur la Turdine juste à coté

– le château avec ses quatre tours et le donjon coiffé d’un toit

– l’église, dans sa version ancienne avec l’abside et ses trois travées, achevée en 1500

– le beffroi, qui était détaché de l’église et qui a été démoli lors de l’agrandissement en 1874.

– le pont Sapéon et la porte du même nom, sortie nord de la ville

– le village blotti à l’intérieur du mur de ville, dont il subsiste un tronçon place Sapéon.

– le mur de ville contourne les habitations sur le tracé » actuel de la rue Charles de Gaulle

On remarque que le bâtiment est cerné sur trois coté avec des ouvrages défensifs sur les flancs extérieurs en contrebas des murailles ; ce sont les parties appelées fausses brayes qui entouraient le château sur trois côtés. Ces terrasses servaient à disposer des pièces d’artillerie.

Plan du village fortifié

""

Ce deuxième plan de Duchamp complète le précédent. On peu apprécier le remarquable ordonnancement du village fait pour surveiller les alentours, abriter les villageois et se défendre des attaques, ce qui fut le cas jusqu’aux progrès de l’artillerie qui ne laissait aucune chance aux murailles pourtant épaisses.

Les deux paysages suivants présentent aussi un certain intérêt. Sur le premier, on remarque les tours sud-est et nord-est telles qu’elles étaient. On retrouve sous la forteresse, la Turdine, et le moulin avec le tunnel d’entrée de l’eau. La croix à gauche est sans nul doute la croix de la Palma, située  route de Nuelles croix datée du XVIII ou XIXème siècle, ce qui permet de dater ce paysage bucolique ; nul doute qu’au moyen âge il avait la même physionomie.

""

Le grand bâtiment à droite, sur la colline est sans doute le couvent des Ursulines, qui a été remplacé par l’actuelle maison de retraite des Collonges.

Peu de choses à dire des paysages ci-dessous. Le premier semble assez réaliste ; il donne une bonne idée de l’ensemble château et église, avant l’agrandissement de celle-ci. Elle est postérieure au moyen âge vraisemblablement, l’état du lit de la rivière laisse même supposer que l’inondation de 1715 est passée par là, mais les bâtiments étaient bien là au Moyen âge. La présence de personnages rend cette vue plus vivante.

""

La seconde est elle aussi intéressante, mais nous n’avons que peu d’informations sur son réalisme.

Les secrets du château

L’abbé Vallin nous fait une description qui donne une idée de ce qui se passait au château : « Dans le préau, on a trouvé les fondements d’une église ou chapelle et des squelettes dont les cadavres enterrés dos à dos, indiquaient, sans doute, des victimes assiégeantes ou assiégées.

Dans la tour nord-ouest, étaient les instruments de torture, qui consistaient en une table, au bas de laquelle était un rouleau encastré dans une grand roue en bois qui le faisait mouvoir pour enrouler les liens qui tiraient les pieds du condamné. Une petite roue d’arrêt en fer y était encore adaptée pour maintenir la tension des liens et du corps.

Le centenaire Vize, qui vient de mourir, racontait que sa mère avait assisté au supplice de la torture où il y avait, outre les officiers de la justice, un médecin chirurgien qui tâtait le pouls du patient, et s’il lui trouvait assez de vie, il disait aux exécuteurs : Encore un tour, c’est à dire encore un cran de la petite roue d’arrêt.

La grande roue en bois se voyait appendue au mur de la salle, au commencement du siècle, et les écoliers qui comptent aujourd’hui soixante-dix ans au plus, peuvent se rappeler que sous le maître d’école Putet et son fils Clément, dans la maison au chevet de l’église, ils ont appris à écrire sur la table où l’on étendait les patients.

Non loin de l’école, le tisseur en mousseline, Antoine Foray, pour étirer sa pièce, avait adapté au rouleau de son métier la petite roue en fer de l’appareil de justice qui étirait le corps du supplicié.

Au bas du donjon, près de la porte actuelle, l’empreinte d’un pied et d’une main, le nom de la rue Tranche Oreille, comme aussi l’empreinte légère d’un fouet sous la poterne du château de Sain-Bel, semblent indiquer les divers châtiments qu’on avait à redouter. C’était la justice du temps. Les almanachs du Lyonnais ont soin de remarquer que les prisons du château de L’Arbresle étaient à la disposition des seigneurs du voisinage, hauts justiciers de l’époque. Les juges nommés par l’état les ont remplacés ; mais heureusement le supplice de la torture n’existe plus. C’était le moyen, dans l’atrocité des souffrances, de faire avouer au patient, vrai ou non, tout ce que l’on voulait.

Déjà de  son temps saint Augustin déplorait à chaudes larmes que l’ignorance du juge qui, par la torture, cherchait l’aveu du crime, devint le plus souvent la calamité de l’innocent : Ignorantia judicis, plerumque est calamitas innocentis.

Il faut bien dire aussi qu’à la suite de l’invasion des barbares, des Sarrazins, des Huns et autres, le vol et le brigandage étaient devenus si communs, si redoutables, que la loi, importée par les barbares eux-mêmes, punissait par la perte des oreilles, du nez, d’un œil, d’une main ou d’un pied le vol et le brigandage, suivant leur gravité ou leur récidive. » 

 

Les croisades

Ces grandes épopées avaient pour but de reconquérir le Tombeau du Christ et de libérer leurs frères de religion de la tutelle ottomane. Les croisades durèrent jusqu’au XIIleme siècle. Notre région a fourni de nombreux croisés. Ils partirent pleins d’allégresse, guidés par la foi et la générosité. Leurs expéditions connurent, selon les époques, plus ou moins de fortune.

Les deux traits essentiels du peuple médiéval : une foi très grande, naïve même dans la bonne acception de ce mot, et un sens prodigieux de l’épopée que l’on retrouve à la fois dans les cathédrales, les fresques, les chants des poètes (chansons des gestes). Ces deux traits dominants sont manifestes dans la grande et multiple aventure des croisades, surtout dans le premier départ. À la voix d’Urbain II, grand seigneur de noble prestance, orateur puissant et à la voix de Pierre l’Ermite, véritable tribun, un peuple entier se leva pour marcher à la conquête des lieux saints. Pour subvenir aux frais de l’expédition, les gens vendent leurs biens, même la maison familiale. Un vieux chroniqueur écrit  «Qui dira les enfants, les vieilles femmes qui se préparaient au voyage?  Qui comptera les vierges en leur grâce printanière, les vieillards qui se mirent en route? Tous célébraient la guerre sainte, sans songer même à y prendre part». Vous, jeunes gens disaient-ils, vous combattrez par l’épée, qu’il nous soit donné de conquérir le tombeau du Christ par la prière et par la souffrance. »

«Les pauvres se mettaient en modeste équipage», dit M. Franck-Brentano. Guibert a vu les paysans ferrer leurs bœufs, les attacher à leurs longues charrettes en planches où ils entassaient femmes et enfants et leur avoir. Au premier donjon, à la plus petite ville, les enfants demandaient à leurs parents: n’est-ce pas la Jérusalem ? L’historien conte la traversée de l’AIIemagne, l’arrivée devant Constantinople, les batailles, les assauts, la vie de camp, la disette, les pèlerinages, quelques excès mais aussi de magnifiques sacrifices, de beaux traits d’héroïsme. L’historien de Pierre l’Ermite, Hagenmeyer, déclare qu’on ne saurait se figurer exactement la première Croisade sans ces rêves, ces visions, ces enthousiasmes qui révèlent le caractère chevaleresque et mystique de l’époque. C’est pourquoi l’on peut dire que cette première croisade fut la plus riche en éléments pittoresques et émouvants.

Elle fut suivie immédiatement de deux autres Croisades. Dieu le veut ! Répétait-on sans cesse et partout, après Pierre l’Ermite. Nous verrons plus loin que ce cri ne resta pas sans écho dans la région lyonnaise ni à l’Arbresle. Du reste l’EgIise encourageait ce mouvement religieux, qui venait offrir un noble but à l’ambition turbulente des seigneurs et qui allait étendre au loin l’influence de la chrétienté. Tous ces preux étaient des croyants et des pensées de foi les poussaient à se croiser. Ils y voyaient aussi une source de gloire. Le plus souvent enfin le désir de porter secours à des frères persécutés fut la cause de leur départ.

De cette époque date la création du blason de la ville ; des chartes prouvent que la contrée a fourni  son contingent aux diverses croisades.  Les seigneurs de la baronnie qui partirent pour la Terre Sainte durent s’assembler à Arbrele. Or, rien de plus rationnel qu’on eut dès lors adopté un signe de ralliement, celui de la ville du départ où l’abbé avait dû bénir les partants. Dans l’hypothèse, il est certain que la baronnie reçut un emblème indispensable pour reconnaître le lieu où, a chaque étape et dans les camps, se trouvaient les hommes d’armes. La science héraldique naissait comme la langue romane, un jeu de mots, une faible analogie de sons, suffirent pour déterminer son écusson : un arbre et des ailes.

Assise sur son petit monticule, avec ses cours d’eau presque circulaires, Arbrele était donc, avant l’invention de la poudre à canon, fort en état de soutenir un siège, étant donné les machines de guerre qu’on y employait alors.

Un développement considérable

Le fin du Moyen âge connut un développement important. La multiplication considérable des pèlerinages, les foires et marchés, maintinrent une certaine circulation sur les routes, au point qu’en 1553, Charles Estienne dresse un guide des 93 « grands chemins » existants.

Les choses changent aussi sous l’impulsion de Louis XI. Il met en place ses « chevaucheurs » pour porter ses messages personnels. En 1477 furent créés les relais de poste. Les relais sont espacés de 7 lieues, environ 28 Km. Ils seront mis à la disposition du public en 1506.

Les relais de poste vont se transformer petit à petit en écuries, pour permettre la poursuite de l’acheminement du courrier avec des chevaux frais, en auberges pour la restauration du  personnel des Postes et des voyageurs, et en gîtes pour leur hébergement.

Au XVème siècle Jacques Cœur, propriétaire des mines de Chessy, Saint-Pierre et l’Argentière, faisait de fréquents séjours en sa maison, rue du Marché et en 1441, c’est le début de la construction de l’église St Jean-Baptiste, qui fut agrandie de deux travées supplémentaires au XIXème siècle.

On savait aussi se distraire ; les fêtes étaient nombreuses au Moyen-âge, surtout à la suite des moissons et des vendanges. On y voyait des saltimbanques, des funambules, des ménestrels ou troubadours qui célébraient les plus hauts faits des chevaliers et de leurs dames.

La circulation sur les Grands Chemins créa une nouvelle situation économique : le commerce, l’artisanat, qui accompagnaient les relais de poste et les auberges, un calme relatif revenu après le départ des Anglais.

La rue du marché

Pour en avoir une idée, il faut lire cette description de la rue du Marché, actuelle rue piétonne, rue Pierre Brossolette. Elle était le centre vital de la cité, mais aussi, le grand chemin, lieu de passage pour traverser la ville de la porte de la Madeleine à la porte Sapéon. Laissons raconter Michel Aulas, l’écrivain Beaujolais, qui fut enseignant à l’Arbresle :

« La rue du Marché et ses alentours étaient en perpétuel remue-ménage ;  là se trouvaient les échoppes des boulangers, des bouchers, des marchands d’épices, des tissus de toile de chanvre, des bourreliers, des maréchaux-ferrants où se réparaient les voitures, où se soignaient les attelages arrêtés dans les relais de la ville. Toute une foule bigarrée, jacassante, agitée se croisait en tous sens. Il y avait les hommes d’armes désœuvrés, bardés de cuir et de fer qui lorgnaient les filles et devisaient avec les boutiquiers, s’arrêtaient parfois aux auberges pour vider une chope ou boire dans les gobelets d’étain le vin aigrelet du pays. Aux portes des maisons, des femmes tissaient la laine ou le chanvre cultivé dans les marécages de la Turdine et de la Brévenne. Dans la rue où les enfants pourchassaient les porcs barbotant dans la fange, passaient parfois les graves notaires vêtus de noir ; il y en avait neuf à l’Arbresle, employant un bataillon de petits clercs qui s’en allaient à cloche-pied parmi les ordures jonchant la chaussée, vers quelque mission de saute-ruisseau…

On pouvait aussi croiser des frères Pontifes, vêtus de bure, revenant de quelque chantier de construction ou de réparation d’un pont.

Dans le bas de la rue, rougeoyaient les fours des fondeurs de métaux et les badauds s’attroupaient à distance pour regarder la coulée ruisselant comme un fleuve de feu, dans la pénombre de l’atelier. De temps en temps, on criait « Place ! Place ! et la populace se réfugiait contre les murs, pataugeant dans la boue, se hissant sur les bornes de pierre, alors, tenant le haut du pavé, un personnage vêtu de drap riche et décoré d’hermine, coiffé de velours rehaussé de plumes et d’or,  passait, laissant errer un regard absent sur les manants qui le saluaient bien bas… »

Une tranquillité relative

Si les croisades avaient calmé les ardeurs guerrières des seigneurs, elles n’avaient pas disparu pour autant.  Ainsi vers l’an 1200, l’Arbresle est incendiée par les hommes d’armes de l’Archevêque de Lyon, en conflit avec l’Abbaye. En1334 ; gel exceptionnel : les deux rivières sont prises par les .glaces, En 1348, épidémie de peste, la Grande Peste qui ravagea toute l’Europe. En 1361, séjour à l’Arbresle des "Tard-venus", bande de pillards, anciens soldats de la guerre de Cent Ans.

En 1430, le duc de Bourgogne s’empare des places fortes du Lyonnais, dont l’Arbresle. En 1479, c’est une invasion de sauterelles, limaces et chenilles, qui détruisent les récoltes, puis en 1480, un hiver très rigoureux, au point que la Saône et le Rhône furent gelés

Et vint la Renaissance

La physionomie des vieux quartiers n’a guère changé depuis le Moyen-âge. Nous retrouvons, dans de vieux dessins, les murs de la ville flanqués de portes, de tours rondes, de fossés. Autour du château fort, on voit toujours d’énormes murailles dont la moindre épaisseur était de 1 m. 50. Ces murs étaient entourés de fossés profonds, remplis d’eaux vives prises à la Brévenne vers le Martinet ou à la Turdine au bief du moulin seigneurial. Au Bizer ou Monchanin, où ne pouvait parvenir l’eau de nos rivières, un fossé à sec et des ouvrages avancés défendaient les habitants contre toute attaque. Malgré l’entassement de la population, le bourg de l’ArbresIe ne pouvait plus contenir tous ses habitants.

Le plus important des faubourgs était toujours le faubourg Saint Julien, rempli de logis, d’auberges, de tavernes et de cabarets pour les muletiers et les voyageurs. Du côté des Vernays et de Louhans logeaient de préférence les tisserands et les manœuvres employés aux travaux agricoles. De nombreuses maisons furent reconstruites dans le style que l’on rencontre un peu partout, et dont l’Arbresle possède de nombreux témoignages, telle la maison de Valous et son puits classé ou la maison dite de Jacques Cœur, reconstruite en 1518, plusieurs tourelles ou fenêtres à meneaux.

Une gravure insolite

Au premier regard la gravure ci-dessous présente un aspect de l’Arbresle assez caricatural, avec un donjon qui ressemble plus à un minaret qu’à une tour de forteresse. Cependant son auteur n’est pas le premier venu : Claude de Chastillon était architecte, ingénieur et topographe du roi Henri IV.  Il est né en 1560 ou 1559 à Chalons-en-Champagne, et décédé le 27 avril 1616. Ce croquis date donc en gros de la Renaissance mais, est censé représenter la ville du Moyen âge.

Cette gravure publiée en 1641 dans : « Topographie françoise ou Représentations de plusieurs villes, bourgs, chasteaux, maisons de plaisance, ruines et vestiges d’antiquitez du Royaume de France dessignez par deffunct Claude Chastillon, et mise en lumière à Paris par Jean Boisseau »

Si l’on part de l’orientation du château (donjon à l’est), on reconnaît le confluent, en bas à droite la Brévenne à gauche avec le pont de la Madeleine, et à droite la Turdine avec le pont Sapéon ; on peut supposer que la tour de droite derrière le pont était la tour de l’hôtel des 3 Maures.

Le reste est une affaire de conventions graphiques, fréquentes sur la plupart des planches de Chastillon : tours pointues, rendu des collines, dessins des toitures et des arbres…

De même, la représentation disproportionnée de certains édifices et l’étirement de leurs formes (clocher, donjon), relèvent plutôt d’une habitude de faire saillir les repères et les bâtiments symbolisant le pouvoir (d’après l’étude de Gaugue–Bourdu sur les représentations de Montihéry par Claude Chastillon)

Cette œuvre n’est sans doute pas très représentative de la ville à la Renaissance, mais elle était déjà qualifiée par de Chastillon de « Petite ville de grande antiquité ». On remarquera que son nom s’écrivait alors en deux mots.

""