Les lavandières de L’Arbresle
Résumé
L’habitude en évoquant une ville ou une région est de faire mention des « hommes célèbres », et nous n’en manquons pas à l’Arbresle.
Mais ce qui fait l’histoire véritable ce sont tous les habitants qui par leur travail et leur action au jour le jour…. Revenons à une époque où le bruit du tambour n’était pas encore celui des machines à laver.
Les rivières pour compagnes
Une lavandière (mot ancien et souvent poétique pour désigner une blanchisseuse, ou une « buandière », terme plus rare et plus vieux encore), était une femme dont le métier était de laver le linge à la main. Toutes n’étaient pas « professionnelles ».
Mais pour toutes, la rivière était indispensable, l’eau courante sur l’évier n’avait pas encore envahi pacifiquement les maisons.
Nos rivières n’étaient pas encore « canalisées »
Les artistes, peintres et poètes, ont bien souvent embelli l’image de ces femmes en les présentant dans un cadre romantique et des paysages magnifiés.
Leur condition sociale et matérielle était dans la plupart des cas difficile : les femmes devaient, tout en lavant, s’occuper de leurs plus jeunes enfants, leurs mains étaient très souvent abîmées pour avoir trempé trop longtemps et trop fréquemment dans l’eau bouillante ou au contraire dans l’eau parfois glacée des lavoirs.
Dans les années 1970/80 en France, une des dernières lavandières authentiques fut récupérée par le monde médiatico publicitaire (C’est ben vrai ça !!) : la Mère Denis, de son vrai nom Jeanne Le Calve, née en 1893. Elle eut un succès considérable. Elle représentait vraiment un ensemble de qualités traditionnelles auxquelles les français restent très attachés : la vaillance, le bon sens, l’amour du travail bien fait.
Les berges de nos rivières étaient accessibles presque partout, et on pouvait entendre les battoirs (batillons dans le parler lyonnais) tout au long de la Brévenne comme de la Turdine.
Mais, il ne faut pas trop idéaliser ce travail difficile. Les rencontres de lavandières étaient aussi le royaume du commérage. Un dicton résumait bien cela : « Au lavoir, on lave le linge, mais on salit les gens. » ; mais il était sûrement très exagéré….
Les lavoirs
Les bords de rivières n’étaient pas les seuls lieux de travail des lavandières ; Il y avait aussi les lavoirs. Toujours à proximité de l’eau courante bien entendu, mais mieux équipés.
D’abord, il y avait un toit, qui évitait de subir la pluie et le soleil trop ardent. Il y avait parfois à proximité, une chaudière, qui permettait de faire bouillir le linge,
Il y avait les installations fixes : La caisse à laver pour s’agenouiller et se protéger des éclaboussures. Les planches, parfois rainurées pour faciliter l’écoulement de l’eau. Mais chacune avait son savon de Marseille.
En évoquant les outils, on ne peut oublier l’indispensable brouette, et la brosse en chiendent.
Les plus anciens de nos lecteurs Arbreslois se souviendront sans doute des deux lavoirs dont nous proposons les photos :
– Ci-dessus le lavoir, en bas de la place Sapéon, près du Grand Pont sur la Turdine.
– Ci-contre, le bateau-lavoir (la plate), disons plutôt, le lavoir flottant, était plus en aval sur la Turdine, en dessous du pont Sapéon, qui n’était alors qu’une passe-relle. A son propos, rappe-lons une anecdote : ce lavoir appartenait à Ferdinand Michel, dont l’épouse était blanchisseuse. Lors des inondations du 19 octobre 1907, le lavoir fut anéanti. Pour les dégâts estimés à 1500 Frs de l’époque, le propriétaire reçu une indemnité de …100 Frs du Bureau de Bienfaisance de la commune.
Laver son linge dans la Turdine… C’était décidemment une autre époque. Il faut bien admettre aussi que l’étalement des eaux en cas de crue était encore possible en bien des endroits.
Certes il y a toujours eu des crues à l’Arbresle, mais l’Histoire de toutes les modifications apportées au cours de nos rivières pourrait sans doute être utile aux décideurs d’aujourd’hui.
Poème (perfide) à propos des lavoirs
C’est ici, du matin au soir,
Que par la langue et le battoir
On lessive toute la ville.
On parle haut, on tape fort,
Le battoir bat, la langue mord !
Pour être une laveuse habile,
Il faut prouver devant témoins
Que le battoir est très agile,
Que la langue ne l’est pas moins.
Achille Millien (1838-1927)