Les rues et les ponts

Les ponts de l’Arbresle

Résumé

L’histoire des ponts, c’est l’histoire de la lutte ancestrale entre l’Homme et l’Eau. Les fleuves et les rivières ont toujours été des obstacles pour la progression des hommes sur terre. Ils ont même souvent servi de frontière naturelle entre les pays.

L’homme a donc utilisé son génie pour les franchir, et les cours d’eau, par la violence périodique de leurs crues, se sont ingéniés à démolir ces outils de franchissement que sont les ponts. Il en fut à l’Arbresle comme ailleurs.

2013-08-27Une inondation décisive

Dans la nuit du 14 au 15 septembre 1715, un cataclysme, resté célèbre sous le nom de déluge de Tarare, dévasta une partie de L’Arbresle. Cette inondation commença par dévaster le quartier de la Pêcherie à Tarare. Elle emporta des maisons et quantité de meubles; elle fut si prompte qu’on n’eut pas le temps de rien sauver. Les eaux, enflées, charriaient des poutres, des meubles, des animaux et même quelques noyés. Le pont Sapéon, sur lequel passait la route royale, n’avait pas d’arche très large; les débris arrêtés par les piles s’accumulèrent, formèrent barrage, les eaux refluèrent et toute la partie basse de L’Arbresle et ses faubourgs furent submergés à une grande hauteur.  

C’était pendant la nuit. Au faubourg Saint Julien le mal fut plus horrible qu’ailleurs, les habitants surpris ne purent s’enfuir; ils furent en partie noyés, leurs maisons, leurs meubles, tous leurs biens furent détruits, emportés. Il ne restait plus, dans le faubourg, que deux maisons debout: celle des «Trois Maures» et celle du maréchal ferrant Collet.

De vieilles tours, sur la rive droite, furent emportées. Le pont Sapéon, sur la Turdine s’écroula et même le pont de la Madeleine, sur la Brévenne également grossie, fut endommagé et dut être reconstruit plus tard. 

""La pression de l’eau, en cas de forte crue, rend les ponts vulnérables

Inventaire 

Bien que l’on pense à priori aux deux principaux ponts  qui marquent les entrées et sorties de l’Arbresle, la cité possède 10 ponts sur les rivières (5 pour chaque) et 5 ponts de chemin de fer : 

Ponts sur la Turdine :
–           Pont Pierron
–           Passerelle du stade
–           Pont du Cheval Blanc
–           Pont Sapéon
–           Pont du Confluent 

Ponts sur la Brévenne :

–           Pont des Vernays
–           Pont du chemin de fer (gare)
–           Passerelle de la Gare
–           Pont de la Madeleine
–           Pont de la Belle Meunière 

Ponts sur routes :

–           Pont du chemin de fer (sous la gare)
–           Pont du chemin de fer (chemin des Vernays)
–           Pont du chemin de fer sur la Brévenne
–           Pont du chemin de fer (Rue Claude Terrasse)
–           Pont du chemin de fer (rue Gabriel Péri) 

Nos ponts intéressent 

En 2003, un concours d’art urbain fut proposé à des élèves d’écoles d’architecture ou d’ingénieurs, travaillant en équipes, sur le thème « Sur les ponts et sous les ponts

Deux équipes choisirent de travailler sur les ponts de Julien ; l’une a obtenu le premier prix, l’autre, la première mention. Voici l’appréciation du jury pour le 1er prix : « Le projet a été particulièrement remarqué pour sa présentation et sa lisibilité, pour sa créativité et sa poésie, pour les qualités de valorisation de l’environnement et du quartier, apportées à la fois par les couleurs, les volumes et les équipements proposés, tant en dessous du pont en lien avec les berges de la Brévenne, qu’au dessus pour permettre des vues sur la vallée et accompagner l’arrivée des trains en gare de l’Arbresle ».

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Le pont de la Madeleine 

De quand datent les premiers ponts à l’Arbresle ? Difficile de le dire. Pendant des siècles il n’y eut pas de quais construits et les accès aux rivières étaient dans biens des endroits en pente douce ; il y avait donc certainement des gués qui complétaient les ponts, souvent mis à mal par les crues.

Dans son excellent roman, probablement largement historique, Pierre Valin écrivait au XIXème siècle, évoquant le gentilhomme de Chambard : « (la foule)… leur avait laissé le loisir de gagner la porte Magdelaine, de passer le gué de la Brévenne et une fois sur la rive droite, de pousser au galop vers la route de Lyon… ».

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Une ancienne estampe nous montre un pont de la Magdelaine, en forme de toit et non avec des arches en plein cintre comme le pont actuel. Peut être s’agissait-il du pont dont nous parle Ferdinand Seguin. 

C’est un homme précis et rigoureux, Il est contrôleur des Ponts et Chaussées. Il a été chargé de la «description de l’estat du Grand Chemin de Lyon à Paris dans l’étendue de la généralité du Lyonnoi».  Voici des extraits de son rapport qu’il fit en 1668, en ce qui concerne l’Arbresle, près de son entrée sud. 

«.au rencontre de la muraille construite à neuf le long de la rivière de Broùenne, de même jusqu’à la rencontre d’icelle sur une étendue de vingt-trois toises & un tiers (environ 45 mètres),  comme aussi de continuer la susdite muraille de l’étendue des dites vingt-trois toises et un tiers pour mettre en toute sûreté le grand chemin des inondations ordinaires de la dite rivière de Broùenne ».

Il nous décrit ensuite longuement l’état du pont : 

« …à la rencontre du Pont de ladite rivière de Broùenne,  lequel avons reconnu en assez bon état, a la réserve de quelque remaillements à faire audit parapet en face dudit chemin sur l’étendue environ d’une toise et demie et de deux pieds et demie de hauteur (environ 82 cm),et a l’égard de l’ancien pave jusque audit Pont avons remarqué être pareillement assez en bon état, ensemble le pavé dudit Pont sur l’étendue de vingt-quatre toises….Avons observé que ledit Pont est composé de quatre arcades ayant dix pieds de largeur au milieu entre les deux parapets qui sont ruinés par neuf brèches, qui ne peuvent être réparées avec leurs liaisons nécessaires sans détruire ce qui reste par intervalles… » 

De quand date le pont actuel

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Comme on l’a vu lors de la description de l’inondation de 1715, cet ancien pont était devenu difficilement praticable ; en consultant la biographie professionnelle de Nicolas François Deville, ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité de Lyon (né le 19 avril 1712  à la paroisse d’Ainay, à Lyon ; décédé le 18 décembre 1770  à Lyon,), on lit ceci :

1738  Il fait les plans du pont de la Madeleine à l’Arbresle.
1739  Membre de l’académie des Beaux-Arts de Lyon.
1739  Membre de l’académie des Sciences et Belles-Lettres de Lyon.
1740  Il réalise les quais le long du Rhône entre le pont de la Guillotière et Saint Clair.
1740  Il dresse un plan de Lyon avec un projet de citadelle sur la colline de Fourvière à Lyon. 
1740  Il est probablement l’auteur du manuscrit « Mémoire sur les grandes routes et chemins de la généralité de Lyon pour servir à en connoître l’utilité relativement au commerce ».
1757  Trudaine, directeur des Ponts et Chaussées à Paris, lui demande d’étudier le projet de canal de Givors (devant relier la Loire au Rhône par Saint-Etienne) présenté par François Zacharie
1761  Il prend sa retraite d’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées de la généralité de Lyon.  Il est donc quasi certain que le pont actuel date,  pour sa construction, de 1739 ou 1740. 

Nouveau pont sur la Turdine 

L’ancien pont Sapéon, le seul alors qui permettait de franchir la Turdine, fut remplacé par une modeste passerelle, puis par le pont actuel lorsque la déviation de la N7 fut construite au début des années 80.

Le nouveau pont fut reconstruit plus en amont, au niveau du pont actuel.

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Le drame  subit par la ville lors de l’inondation de 1715  fut compris, car nous savons que le 20 novembre 1717 les quatre généralités de Lyon, Grenoble, Riom et Moulins cotisent 14 596 livres pour le pont de L’Arbresle sur la Turdine.               

Nous avons aussi les précisions suivants : « Type d’ouvrage : Pont en pierre ou maçonné  – Coût de construction : 15180 Fr  – Niveau de fiabilité : fort ».

L’architecte eut l’idée de surélever la chaussée pour bâtir ce pont nouveau sur la Turdine. II y réussit en coupant le Mont-Chanin, la colline qui descendait de l’ouest par une énorme tranchée et en contournant le mur de la ville. Il évitait ainsi les rues étroites et tortueuses et mettait désormais l’Arbresle à l’abri d’une nouvelle inondation, tout au moins pour la partie haute de la ville qui se construisit alors..  La circulation dans l’Arbresle changea radicalement, ainsi que la répartition des commerces et des demeures habitées. Les maisons se sont construites le long de cette nouvelle rue, à cheval sur l’ancien mur de fortification, coté château.

Parmi les conséquences de cette nouvelle construction, l’itinéraire du « grand chemin » qui traversait l’Arbresle fut modifié ; il abandonna la rue piétonne actuelle pour prendre la nouvelle rue, actuelle rue Charles de Gaulle. 

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Cette gravure de Grobon, réalisée probablement vers 1820, nous donne une idée de la construction : une arche très grande ; des cailloux petits et difformes, sauf pour l’arche elle-même,  loin des pierres de taille classiques, font douter de la fiabilité de l’ouvrage. Il était plus élevé que le pont actuel, et vers la clef de voûte ornée de l’écusson royal, sur le parapet en amont, se dressait une croix érigée sur un socle.

Pendant la Terreur, on abattit et la croix et le socle qui furent jetés à la rivière. Ses débris furent recueillis par le meunier Dumas. Elle portait cette inscription: « Par la croix nos ennemis ont été et seront vaincus ». La vénérable pierre a été photographiée et reproduite en carte postale.

L’inconvénient de cette large et haute chaussée, qui allait en écharpe de la Turdine à la Brévenne, fut d’enterrer encore davantage la partie basse de la ville et surtout la maison Renaissance, habitée naguère par la famille de Valous, ainsi que l’actuel quartier Sapéon.

La cour au milieu de laquelle se trouve un puits historique dont nous reparlerons fait partie du même encaissement. On appelait naguère cet encaissement la « fosse aux ours ».

A côté de l’inconvénient signalé, la chaussée en question présentait un avantage. Elle a contribué à former la plus belle rue de l’ArbresIe (la rue Charles du Gaulle). A partir de ce moment, les arbreslois virent le mouvement commercial de leur bourg abandonner les vieux quartiers pour se transporter dans la grande rue actuelle et dans ses aboutissants.

Ce pont construit suite à l’inondation de 1715 ne vécut guère plus d’un siècle. Lors de la construction de ce dernier, une petite arche supplémentaire fut prévue pour la passage d’un bief chargé d’amener l’eau aux moulins et battoirs à chanvre ; l’eau restait à cette époque la force motrice la plus utilisée.

""La borne du premier "Grand Pont" qui fut renversée pendant la Terreur
""L’ancien bief qui amenait l’eau au moulin est devenu un passage pour piétons

Un plan ancien signale ce bief et la présence d’une écluse juste en amont du pont. L’eau ne passe plus, et son lit est devenu un passage piéton qui relie les deux parkings de la Turdine et de la place Sapéon. 

Les ponts hors des grands axes routiers 

Plusieurs autres ponts ont été construits en fonction de la demande, mais tous ont pris de l’importance avec le développement de la circulation automobile. 

Sur la Brévenne    

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Le pont de la Belle Meunière (photo) relie actuellement le parking près du confluent à la rue de Lyon ; il est très utilisé. Il fut construit pour désenclaver le moulin lors de travaux, notamment rue Emie Zola et à la station d’épuration par la suite transférée route de Lozanne.

–  Le pont des Vernays, qui permet à la nouvelle route venant d’Eveux de joindre directement la zone d’activité des Martinets et la porte de la Libération (giratoire sortie vers Sain Bel). Ce pont à l’origine, était privé, construit par les services de l’Equipement, pour accéder à leur dépôt, situé sur la rive droite de la Brévenne.

 Sur la Turdine         

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– Le pont du confluent (photo) est de construction récente, lors de la mise en place de  la déviation de la RN 7, dans les années 80, afin de desservir le quartier situé entre le confluent et la Porte Le Corbusier (giratoire de Martinon).

– La passerelle du stade, peu connue permet d’accéder aux terrains de sport, coté sud,  depuis le chemin des Brosses.
– Le pont Pierron, très utile car il permet d’accéder à la RN 7 par le chemin des Brosses, sans passer par le centre ville. Il a été construit par la famille Pierron, qui habitaient le hameau de Persanges sur Savigny (belle famille du général Guibaud).-          

La passerelle de la gare 

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Destinée aux piétons, elle est probablement la conséquence de l’arrivée du chemin de fer ; la ligne Lyon Roanne fut ouverte en 1868. Depuis, elle rend de grands services pour relier la place Victor Hugo à la gare. Sa première version devait être assez sommaire puisque des réparations avaient déjà effectuées en 1884 : « remplacement des 4 poutrelles existantes par trois autres qui devraient être en bois de chêne,enduit de deux couches de goudron chaud avant leur mise en place. »

Nouvelle réparation en 1903 : « La passerelle métallique mettant en relation le quartier de la Gare avec celui des Vernays : réparation, désoxydation, le fer mis à nu de toutes les parties métalliques de la passerelle, devis dressé par l’architecte Bellemain et approuvé par le Préfet en date du 3/09/1902 et travaux exécutés par Nicoud Antoine serrurier ». Depuis, elle a gardé le même aspect.

En 1930 il fut envisagé « Le remplacement de la passerelle d’accès à la gare de l’ArbresIe sur la rivière la Brévenne par un pont en béton à 2 arches permettant le passage des voitures (convention entre la commune de l’ArbresIe et le Compagnie PLM et acceptation par la Commune d’une donation de la Société anonyme des Glacières de l’ArbresIe par délibération du Conseil municipal en date du 20 décembre 1930 présidé par M. Inard d’Argence, maire ».

Les ponts du chemin de fer 

Ce sont de beaux ponts comme tous les ouvrage d’art construits lors de l’arrivée du chemin de fer.

Il faut signaler particulièrement celui qui a bien facilité la vie des Arbreslois depuis une dizaine d’années. Il était destiné – pour aller à Eveux –  a remplacer l’ancien passage à niveau qui cessa ses activités en 1996. La nouvelle route d’Eveux venait d’entrer en fonction et assura la circulation pendant la construction du passage sous terrain. 

Faux ponts et projets de ponts 

Bien que cela relève de l’anecdote, on peut signaler que la nationale 7 repose en deux endroits sur des sortes de ponts, l’étroitesse de la vallée obligeant les bâtisseurs a construire des arches de soutènement. 

Les premières, sous la route de Paris, non loin des feux du Cheval Blanc, à l’endroit où le trottoir est rétréci et où il n’a pas de construction en contrebas.

Les secondes sont sous la déviation à l’est des feux, et permettent le passage de la Turdine.

Quelques mots enfin des projets ; il y eut  un projet de passerelle partant de la RN7, précisément à l’endroit cité plus haut, où il y a des arches et devant déboucher près de la place de la République. Ce projet peut s’explique par la présence de l’école autrefois au fond de la place de la République. Elle aurait permis aux écoliers de traverser la Turdine sans passer par la grande rue.

Autre projet de passerelle, plus récent, dans le cadre d’un cheminement permettant de joindre le centre ville à la salle Claude Terrasse, sans passer par la Nationale. Ce projet auquel étaient favorable plusieurs équipes municipales est toujours dans les tiroirs. 

 

Document préparé par l’équipe des Amis du Vieil Arbresle :

Antoine Meunier, Bernard Isnard, Robert Roth, Gilbert Sylvestre et Martial Subrin.

 Biographie :

"Les inondations en France depuis le VIème sièele jusqu’à nos jours – 1862 – tome 4" – Mauriee Ehampion, p 38.
"Etudes Historiques sur l’administration des voies publiques en France aux dix-septième et dix-huitième siècles" par JM. Vignon – Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées – Dunod Editeur – Paris – 1862 – XVIII p140,
« Sur la route romaine, royale, impériale de Lyon à Roanne, de G. Fouilland et P. Bissuel
 
Photos : Collection Gilbert Silvestre, Musée de l’Arbresle, Bernard Isnard